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9 août : Défaite de Pope et de Banks, à Cedar Mountain, par Stonewall Jackson,
26 août : Pope commence sa retraits sur Washington. Il est entouré et battu à Manassas-Junction.
30 août : Seconde bataille de Bull Run. Le général Lee défait les fédéraux commandés par
Pope, et envahit le Nord.
13 septembre : Harper’s Ferry’évacué par
les fédéraux.
14 septembre : Bataille indécise de South Mountain, dans le Maryland.
17 septembre : Bataille d’Antietam. Lee, très-affaibli, repasse le Potomac.
19 septembre : Rosencrans bat les confédérés à Iuka, dans l’ouest.
22 septembre : Lincoln proclame qu’à partir du 1er janvier 1863 les esclaves des rebelles en armes seront libres pour toujours.
3-4-5 octobre : Bataille de Corinth (Mississipi).
10 octobre : Le général Stuart, avec 1, 800 cavaliers, envahit le Maryland et une partie de la
Pennsylvanie.
27 octobre : La grande armée du Potomac commence
son troisième mouvement sur Richmond.
2 novembre : Premières nouvelles des déprédations commises par le corsaire confédéré
l'Alabama.
5 novembre : Burnside remplace Mac Clellan à la tête de la grande armée du Potomac.
13 décembre : Défaite de Burnside par le général Lee, à Frédéricksburg.
16 décembre : Banks remplace Butler à la Nouvelle-Orléans.
27 décembre : Attaque de Vicksburg sur le Mississipi.
31 décembre : Bataille de Murfreesboro.
Id. — Le premier Monitor coule dans une
tempête.

1863

2 janvier : Continuation de la bataille de
Murfreesboro. Sous Rosencrans, les fédéraux
sont vainqueurs.
Id. — Proclamation d’émancipation du président
Lincoln.
11 janvier : La canonnière fédérale Haiteras est coulée par l'Alabama, en vue de la côte du
Texas.
12 janvier : Discours de Napoléon III au Corps
législatif, dans lequel il déplore la guerre
d’Amérique, et regrette que ses offres de médiation
aient été rejetées.
16 janvier : Expédition des fédéraux en Arkansas.
19 janvier : Le Congrès confédéré de Richmond
propose des mesures de représailles contre les
fédéraux, à cause de la proclamation d’émancipation.
22 janvier : Seconde campagne de Burnside contre
Richmond, arrêtée, à son début, sur le Rappahannock,
par le mauvais temps et les boues de la Virginie.
25 janvier : Organisation du 1er régiment noir de la Caroline du Sud.
26 janvier : Hooker remplace Burnside dans le
commandement de l’armée du Potomac.
11 février : Le ministre d’État, M. Seward,
déclare qu’il n’a point donné de passeport à
l’ambassadeur français, M. Mercier, lors du
récent voyage de celui-ci à Richmond.
7 avril : Le fort Sumter est attaqué par la
flotte fédérale.
28 avril : L’armée du général Hooker traverse
le Rappahannock, et se met en marche sur Richmond.
2 mai : Bataille de Chancellorsville, entre
Hooker et Lee.
3 mai : Second jour de la bataille de Chancellorsville. Les fédéraux battent en retraite.
5 mai : Vallandigham, représentant de l’Ohio
au Congrès, est arrêté par les soldats de l’armée
de l’Ouest, sur l’ordre de Burnside.
10 mai : Mort du général confédéré Stonewall
Jackson, des suites d’une blessure reçue à Chancellorsville.
16 mai : Bataille de Champion Hills ; défaite
des confédérés par le général Grant.
22 mai : Après l’investissement complet de
Vicksburg et un long siège, Grant donne l’assaut
à la ville. Il est repoussé.
27 mai : Dans les mêmes circonstances, le général Banks échoue également à Port-Hudson.
28 mai : Départ de Boston du 54e régiment du
Massachussetts ; c’était le premier régiment nègre levé dans le Nord parmi les Noirs libres, le 1er
régiment de la Caroline du Sud n’étant composé que d’anciens esclaves.
9 juin : Combat de Beverley-Ford.
Juin, juillet : Le général Hooker, qui n’a pu
empêcher Lee de traverser une seconde fois le
Potomac et d’envahir le Nord, est remplacé
dans le commandement par le général Meade.
Les confédérés s’avancent jusqu’à une lieue
de Harrisburg, capitale de la Pensylvanie.
1-2-3 juillet : Bataille de Gettysburg, une des
plus sanglantes de toute la guerre. Lee est encore une fois obligé de repasser le Potomac.
4 juillet : Reddition de Vicksburg.
13-14 juillet : Émeute à New-York au sujet de la
conscription. Le sang coule.
Août, septembre : Continuation du siège de
Charleston ; occupation de Knoxville, dans le
Tennessee oriental, par Burnside, 4 septembre,
au moment où les fédéraux se croyaient maîtres
de l’Ouest ; ils sont battus à Chickamauga, par Bragg, le 19 septembre. Dans le même mois,
une expédition préparée de longue main échoue
devant Galveston, au Texas, et la flottille fédérale
est battue et coulée à fond.
Octobre, novembre, décembre : À l’ouest, le
général Grant venge, par la victoire de Chattanooga,
la défaite des fédéraux à Chickamauga. À l’est, le siège de Charleston démontre l’impossibilité de prendre cette ville et la vulnérabilité des monitors.

1864

Depuis le commencement de cette année, les opérations militaires n’ont pas été favorables aux unionistes. Il leur a fallu lever le siège de Charleston. Ils ont échoué dans leur entreprise contre la Floride. Dans le mois d’avril, le général Banks a été battu en Louisiane, et une grande partie de la Caroline du Nord recouvrée par les esclavagistes.

Mais, avec le général Grant pour commandant en chef de toutes les armées fédérales, il est permis d’espérer que les États-Unis dompteront bientôt la rébellion. La campagne décisive de cette guerre meurtrière s’est ouverte le 4 mai. À cette date, le général Grant a quitté ses lignes du Rappahannock et du Rapidan, pour marcher contre Richmond, capitale des confédérés. Dès le 5 mai, le général sudiste, Robert Lee, tentait d’arrêter l’invasion des fédéraux. Du 5 au 12 mai, de sanglantes batailles, malheureusement indécises, se sont livrées à Wilderness, en Virginie, entre le Nord et le Sud. Lee se retira, à quelques milles plus loin, dans une position très-forte à Spottsylvanie Court-House. Grant ne put l’en déloger qu’après les terribles combats de la seconde semaine de mai. Lee, vivement pressé, se retira alors plus au sud, dans ses retranchements de la rivière Annah. Le général Grant reculant devant un nouveau sacrifice d’hommes, tourna la position des confédérés. Il est maintenant (juin 1864) à 12 kilom. de Richmond, au nord de la rivière Chickahominy, derrière laquelle sont rangées les troupes de Lee. Ainsi les deux armées occupaient, au 30 mai 1864, les mêmes positions qu’en juillet 1862, quand Mac Clellan assiégeait Richmond.

La guerre d’Amérique devant la conscience de la France. Pour savoir de quel côté se trouve la justice dans la guerre d’Amérique, de quel côté doivent se porter les sympathies et les vœux des amis de la liberté, il suffit de se poser les questions suivantes : L’esclavage est-il la cause réelle de la séparation du Sud et de la guerre civile ? Le Sud avait-il constitutionnellement et moralement le droit de se séparer ? L’abolition de l’esclavage doit-elle être la conséquence de la victoire du Nord ?

L’esclavage est-il réellement la cause de la guerre d’Amérique ? Pour en douter, il faut vraiment fermer les yeux à l’évidence. Reportons-nous à l’élection présidentielle de 1860, et comparons les programmes des deux candidats rivaux, M. Lincoln et M. Breckinridge : Point d’extension de l’esclavage au delà de ses frontières actuelles, disait le premier ; plus d’admission de nouveaux États à esclaves dans l’Union ; modification de la loi sur les esclaves fugitifs, etc. — L’esclavage sera national et non plus sectionnel, disait le second ; en d’autres termes, il sera reconnu par la Constitution, il s’étendra dans les nouveaux territoires, suivant le vœu des populations, autant que s’étendra l’Union ; aucun État ne pourra empêcher le transit des esclaves ; la loi des esclaves fugitifs sera renforcée, etc.

Du reste, nous avons les déclarations, les aveux du Sud : Habemus confitentem reum. On ne voit pas qu’il ait donné à sa révolte une autre raison que le besoin, le droit de défendre son institution particulière, menacée par l’agitation abolitioniste du Nord. Écoutons M. Stephens, vice-président de la confédération du Sud : « L’esclavage, dit-il, a été la cause immédiate de la dernière rupture et de la révolution actuelle. Jefferson avait bien prévu que sur cet écueil se briserait un jour la vieille Union….. L’idée dominante admise par lui et par la plupart des hommes d’État de son temps a été que l’esclavage de la race africaine était une violation des droits de la nature….. Mais ces idées étaient fondamentalement fausses ; elles reposaient sur l’égalité des races….. Notre nouveau gouvernement est basé sur des idées toutes contraires. Sa pierre angulaire est cette grande vérité, que le nègre n’est pas l’égal du blanc ; que l’esclavage, la subordination à la race supérieure, est sa condition naturelle et morale….. Notre gouvernement est le premier dans l’histoire du monde qui repose sur cette grande vérité physique, philosophique et morale….. Le nègre, en vertu de sa nature et par suite de la malédiction de Cham, est fait pour la position qu’il occupe dans notre système. » Rien de plus clair que ce langage. Ainsi, le Sud lui-même se charge de donner un démenti aux journalistes européens qui veulent que l’esclavage ait été pour peu de chose dans la séparation. Ainsi, c’est l’esclavage qui le premier s’est déclaré incompatible avec le pacte fédéral, et qui, se mettant au-dessus de ce pacte, n’a pas hésité à le déchirer ; c’est l’esclavage qui, selon les paroles de M. Sumner, est la cause de la guerre, sa puissance, sa fin, son but, son tout. Et maintenant, ce peuple qui, en pleine civilisation, reculant jusqu’à la société païenne, ose remplacer, à la base de sa constitution, la déclaration des droits de l’homme par la déclaration du droit de l’esclavage, nous demandons quel intérêt il peut inspirer à la France de 89 ?

Le Sud avait-il constitutionnellement le droit de se séparer ? Il est impossible de trouver ce droit dans la Constitution des États-Unis ; on voit clairement, au contraire, qu’elle a entendu créer une solidarité perpétuelle entre les diverses parties dont elle a fait un tout, une unité. Les États-Unis, en effet, ne forment pas plusieurs États dans le sens politique qu’on donne ordinairement à ce mot ; c’est une nation et non une ligue ; leur congrès est une législature et non un congrès d’ambassadeurs. La suprême puissance exécutive, législative et judiciaire, le droit de paix et de guerre sont dans les mains de l’autorité centrale. La diplomatie, l’armée, la marine, les douanes, les postes, les monnaies, tous ces attributs de la souveraineté ont été retirés aux États et donnés au gouvernement fédéral. Du reste, la loi constitutionnelle a été constamment interprétée dans ce sens jusqu’au jour où Calhoun, l’apôtre de l’esclavage, mit en avant la fameuse théorie d’après laquelle l’exercice de l’autorité centrale devait être subordonné à la souveraineté politique de chaque État. « De même que dans la république romaine, disait-il, la puissance des patriciens était bornée par le veto des tribuns, qu’en Pologne la puissance des assemblées était tenue en échec par le veto d’un seul membre ; ainsi, dans les États-Unis, il faut que chaque État ait le droit et le moyen d’annuler, de nullifier tout acte qui tend à violer et à diminuer ses droits. » Cette théorie de la nullification, par laquelle l’esclavagisme préludait à la révolte, était la négation du pacte fédéral. Le général Jackson, alors président, la repoussa énergiquement : « On ne saurait, dit-il dans son message de 1833, reconnaître aux habitants d’un État le droit de se départir selon leur bon plaisir, et sans le consentement des autres États, de leurs obligations les plus solennelles, et de mettre en péril les libertés et le bonheur des millions d’hommes dont se compose l’Union. Dire qu’un État pourrait à volonté se séparer de l’Union, c’est dire que les États-Unis ne sont pas une nation. »

Loin de pouvoir s’appuyer sur le pacte fédéral, le droit de séparation était le retour à un état de choses que le pacte fédéral avait eu pour but de faire cesser. Du reste, la preuve que le Sud n’a pas trouvé ce droit dans l’œuvre de Washington, c’est qu’en gardant la Constitution des États-Unis, il a cru devoir y ajouter un article spécial, déclarant que chaque État aura toujours le droit de se retirer de la nouvelle confédération.

Le Sud avait-il moralement le droit de se séparer ? En d’autres termes, la séparation, condamnée par la légalité, par le droit positif, peut-elle invoquer le droit naturel ? Pas davantage. Ces gros mots, si souvent prononcés en Europe, de nationalité opprimée, d’antagonisme de race, de limites naturelles, n’ont rien à faire ici. L’unité des États-Unis n’est pas une création artificielle de la force, une fiction politique contre laquelle on puisse s’élever au nom de l’ethnologie, de la linguistique, de la géographie. En réalité, Nord et Sud forment un peuple, un seul peuple, c’est-à-dire une société d’hommes qui ont la même origine, la même langue, la même civilisation, la même histoire, et, si l’on ôte l’esclavage, les mêmes lois et les mêmes institutions. « Le Sud, dit M. Laboulaye, a-t-il été opprimé ? N’était-il pas maître absolu de son administration et de ses lois intérieures ? N’avait-il pas dans la représentation générale une part proportionnelle à sa population ? Y avait-il des privilèges politiques pour le Nord ? M. Lincoln serait-il un despote qui eût violé ses serments et foulé aux pieds les libertés nationales ? Non : le Sud en se révoltant ne peut alléguer ni une loi déchirée, ni un droit outragé. Ce dont il se plaint, c’est qu’un changement de majorité allait amener la suprématie politique du Nord. Est-ce là une cause de rébellion ? Est-ce que la soumission à la majorité, dans les choses d’intérêt général, n’est pas la condition des peuples libres ? Est-ce que la liberté politique n’est pas le règne de l’opinion substitué au jeu sanglant des révolutions ? »

Le triomphe du Nord doit-il amener l’abolition de l’esclavage ? Les amis du Sud vont répétant que le Nord n’a jamais voulu supprimer l’esclavage, qu’il est parfaitement indifférent à cette question. Mais n’est-ce pas l’agitation abolitioniste qui, d’après le Sud, a été la cause de l’insurrection ? Le Sud n’a-t-il pas brisé l’Union le jour où l’Union lui a paru prête à se dégager d’une complicité honteuse et à dire à l’esclavage : Tu n’iras pas plus loin. Depuis la présidence de M. Lincoln, n’avons-nous pas vu le Nord affranchir le district de Colombie, donner tous les territoires à la liberté, décréter l’abolition de l’esclavage dans les États rebelles, offrir aux États loyaux de contribuer pour un prix considérable au rachat des nègres, décider qu’en vertu des droits de la guerre on emploierait au service de l’Union les nègres des rebelles, et que cet emploi leur vaudrait la liberté ?

Du reste il est facile de comprendre que le mouvement abolitioniste ne peut désormais que gagner du terrain ; le Nord se trouve engagé dans cette voie par la force des choses ; l’abolition de l’esclavage s’impose à la pensée de ses hommes d’État ; ce n’est plus seulement pour eux un principe, c’est un intérêt ; ce n’est plus seulement une question morale, c’est une question politique ; c’est le moyen de conquérir une paix solide, définitive, et d’anéantir complètement l’esprit de sécession auquel l’esclavage seul donne une raison d’être. L’esclavage s’est révélé comme la négation de la patrie ; il faut qu’il disparaisse. La guerre mène à l’extrémité des questions, ne permet pas de reculer, n’admet pas de compromis ; elle veut des résultats en rapport avec les moyens employés, un but qui soit digne du sang versé, et qui justifie tant de sacrifices.

Résumons-nous : la victoire du Nord, c’est la rédemption de quatre millions d’esclaves, et en même temps c’est la démocratie purifiée, reprenant honneur et autorité dans le monde. La victoire du Sud, c’est la perpétuité et l’extension de la servitude, et en même temps c’est la destruction de cette œuvre de Washington, à laquelle la France s’honore d’avoir concouru, et qui jusqu’ici a pu être considérée comme le dernier terme du progrès politique. Entre le Nord et le Sud, la conscience de la France ne saurait hésiter. Le triomphe du Nord a pour lui le droit, l’humanité et la raison, la raison qui, comme l’a dit excellemment Voltaire, finit toujours par avoir raison.


I. — Langues en Amérique. L’origine des langues américaines, ainsi que celle des peuples qui les parlent, a jusqu’ici résisté aux efforts multipliés de la science moderne. La race américaine doit être, selon les uns, une race aborigène, sans rapport avec les grandes familles européennes et asiatiques, aussi spéciale au nouveau monde que sa flore et sa faune, et qui s’est ramifiée en une foule de peuplades secondaires. On ne peut méconnaîtra en effet que les Peaux-Rouges constituent une division essentielle en anthropologie. La philologie classe également dans un groupe à part les langues parlées en Amérique. Il n’y a pas très-longtemps, on a fait des investigations patientes pour arriver, en analysant ces idiomes, à résoudre ce problème historique, mais les recherches n’ont guère servi qu’à les faire un peu mieux connaître, sans pouvoir en établir l’origine et la filiation. On en a relevé un nombre prodigieux. Chaque voyageur, chaque missionnaire, après avoir visité une peuplade, une tribu même, venait augmenter d’un nouveau nom la liste déjà nombreuse de ces idiomes, sans s’inquiéter si ce qu’il considérait comme une langue spéciale n’était pas un dialecte très-peu différent d’une langue voisine ; de sorte qu’on a pu arriver facilement à porter à cinq cents le nombre des langues américaines. Mais la science, en examinant attentivement ce chiffre énorme, ne tarda pas à découvrir que les variétés qu’on avait prises pour des langues distinctes ne sont, en réalité, que des dialectes qui se groupent autour des souches radicales, exactement comme nos langues asiatico-européennes. Cependant il faut avouer que, chez ces peuples, la filiation du langage est beaucoup moins accusée que chez ceux de l’ancien monde ; mais cette différence tient au génie caractéristique de toutes ces langues. La philologie, habituée à s’appuyer sur les radicaux, marche ici sur un terrain tout nouveau ; car ce n’est guère par la comparaison des radicaux qu’il faut chercher des analogies au milieu— de cette multitude d’idiomes ; ces rapports échappent à nos procédés ordinaires. Le meilleur système est la comparaison, non pas des mots, mais des formes grammaticales, qui présentent une identité presque constante. On peut encore établir certains points de repère en se basant sur la présence ou l’absence de telle ou telle articulation dans une langue, et former ainsi des groupes congénères. C’est de cette façon qu’on a remarqué qu’il n’y a pas de b, de d, de f dans le groënlandais, le mexicain, le quiche, le lule, le waikuri, etc. ; de d dans le kora, le muyska et le mossa ; de f dans le brésilien, le guarani, le mokobi, le maya, l’aruwaki et dans toutes les langues de l’Orénoque, excepté le guama ; de s dans le brésilien, le guarani, le mokobi, le jarura ; de l dans l’othomich, le muyska et le mossa, etc., etc.

Le système grammatical est très-compliqué : il a généralement pour point de départ le principe d’agglutination, et on lui a donné le nom spécial de polysynthétique. Les moindres modifications dans les rapports des idées entre elles, ou dans leurs dépendances à l’égard les unes des autres, se traduisent aussitôt dans les mots par des syllabes affixes qui s’accolent soit au commencement du radical (préfixes), soit à la fin (suffixes). Ainsi, par exemple, en mexicain, qua veut dire manger ; manger quelque chose s’exprimera par tlaqua ; donner quelque chose à manger à quelqu’un, tetlaqualtia, en un seul mot.

Il n’existe pas chez les Américains de système graphique proprement dit. Cependant on sait que les Mexicains employaient, outre leurs quippus, des sortes d’hiéroglyphes primitifs, et cette méthode grossière s’est répandue dans toute l’Amérique. Lafiteau l’a retrouvée chez les Iroquois et les Hurons. Les anciens Virginiens l’employaient sous le nom de sagkohoh, pour conserver la mémoire de leurs événements historiques. Sur les bords du Rio-del-Norte, dans la Louisiane, dans le Pérou, on constate l’existence de ces dessins hiéroglyphiques. Au milieu du siècle dernier, un missionnaire trouva chez la peuplade indépendante des Panos des livres remplis de figures