Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 1, part. 1, A-Am.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— S’est employé anciennem. dans le sens de Blessé :

Achille, le preux combattable,
Avoit été si destiné
Qu’il ne pouvait être affiné
Lors par la plante seulement.
***

— Mar. On dit en pleine mer que le temps est affiné, lorsqu’après avoir été sombre, il est devenu plus clair.

AFFINEMENT s. m. (a-fi-ne-man — rad. affiner). Action d’affiner : L’affinement de l’or. L’affinement de l’argent, du fer.

— Fig. Perfectionnement, purification, épuration : L’affinement des esprits. (Charron.) La maladie, cette sévère discipline naturelle, tire de l’âme un affinement qu’aucune culture humaine n’eût amené. (Michelet.)

AFFINER v. a. ou tr. (a-fi-né — rad. fin). Rendre une substance plus pure, la débarrasser des matières étrangères qui y sont mêlées : Affiner de l’or, de l’argent, de l’étain. Comme le feu affine l’or, ainsi l’adversité éprouve la fidélité d’un ami. (Trév.)

— En technol., ce mot est employé dans un grand nombre de cas ; voici les principaux : Affiner la terre, L’ameublir pour la rendre plus accessible à l’eau, à l’influence de l’air et de la lumière. || Affiner des clous, des épingles, En aiguiser la pointe. || Affiner du lin, du chanvre, Le rendre plus menu, plus délié, plus doux au toucher. || Affiner le ciment, Le pulvériser, le réduire en poudre impalpable. || Affiner le verre, Enlever les défauts, les bulles qui restent après la fusion. || Affiner le fromage, Le rendre plus fin, plus relevé, en le laissant séjourner quelque temps à la cave. || Affiner du carton, y coller des feuilles de papier ou de parchemin pour lui donner de la fermeté. || Affiner du sucre. V. Raffiner, qui est beaucoup plus usité.

— Par ext. Perfectionner : L’esclavage affine les langues et stimule l’allégorie. (Boiste.) Nos instruments sont trop grossiers pour opérer sur ces atomes ; nous les affinons. (Michelet.)

— Fig. Rendre plus fin, plus subtil : L’amour affine les facultés délicates. (Michelet.) Il est difficile d’affiner un sot. (Trév.) || Tromper par artifice, duper :

....... Notre maître Mitis,
Pour la seconde fois, les trompe et les affine.
La Fontaine.


|| Ce mot est vieux dans ces deux derniers sens.

Se laisser affiner à, Se laisser tromper par :

Il se laisse affiner à ses traits de souplesse.
Corneille.

— Neutral. ou intrans. Mar. S’éclaircir et devenir plus beau, en parlant du temps : Le temps affine. (Trév.) || On dit aussi et mieux : Le temps s’affine.

S’affiner, v. pr. Être affiné : L’or et l’argent ne s’affinent plus à la coupelle. || Prendre un goût plus fin : Ce fromage s’affinera. || Devenir pointu, s’allonger : L’avocat, ce rusé renard judiciaire, se frotta les mains, son museau s’affina. (Balz.)

— Fig. Devenir plus fin, plus adroit : L’âme s’affine par l’usage. (Montaig.) L’esprit s’affine par la conversation et la société. (Boiste.) || Se dit aussi des personnes, et signifie Se civiliser, se polir : Mais ce qui est sûr, c’est que l’homme s’est affiné et fait esprit. (Michelet.)

— Mar. S’éclaircir, s’embellir, en parlant du temps : Le temps s’affine.

AFFINERIE s. f. (a-fi-ne-rî — rad. affiner). Techn. Lieu où l’on affine les métaux : Affinerie de fer. Affinerie de cuivre. Porter le fer à l’affinerie. (Acad.) || Se dit quelquefois pour Affinage : Le fer perd au moins un quart de sa masse par le travail de l’affinerie. (Buff.) || Se disait du fer affiné et mis en rouleaux pour faire divers ouvrages : J’ai acheté un millier d’affinerie. (Trév.) || Petite forge où l’on tire le fer en fil d’archal.

AFFINEUR, EUSE s. (a-fi-neur, eu-ze — rad. affiner). Techn. Ouvrier, ouvrière qui, dans les manufactures de lainage, est employé à l’affinage. || Ouvrier, ouvrière qui affine le chanvre, c’est-à-dire qui le passe dans un peigne de fer à dents fines.

— s. m. Celui qui affine les métaux : La supériorité des affineurs parisiens attire en France une grande quantité de lingots d’argent de tous les pays. (Mich. Chev.)

Affineur des monnaies, Dans les hôtels, des monnaies, employé qui affine l’or et l’argent.

AFFINEUSE s. f. (a-fi-neu-ze — rad. affiner). Ouvrière en dentelle.

— Fig. Il se dit d’une enjôleuse, d’une femme qui emploie toutes les ruses pour arriver à ses fins : Je crus pouvoir aussi la regarder comme une affineuse sans pareille, qui se lassait de se contraindre. (G. Sand.)

AFFINITÉ s. f. (a-fi-ni-té — lat. affinitas, même sens). Jurispr. Alliance que le mariage établit entre un époux et les parents de son conjoint : Il a épousé ma sœur, il y a affinité entre lui et moi. (Acad.) L’Église a fini par déclarer empêchements dirimants de mariage tous les degrés d’affinité. (Chateaub.)

— Par ext. Conformité, ressemblance, surtout en parlant du physique : Le chat a de l’affinité avec le tigre.

— Fig. Ressemblance, liaison qui existe entre les personnes par suite d’une certaine conformité de caractère de goût, d’opinion : Nous avons un rapport intime et une secrète affinité avec Dieu. (Boss.) Il y a entre la canaille et la cour plus d’affinité qu’on ne croit, et ce qui se passe sur la place ressemble beaucoup à ce qui se passait a la cour. (Arnault.) Il y a entre les gens frappés par le malheur une affinité magnétique. (A. de Gondrec.) La bonne compagnie agit comme par attraction et par affinité. (Mme  Campan.) Il y a certaines affinités entre les personnes que l’on quitte et les personnes que l’on rejoint. (Alex. Dum.) Elle sent, bien qu’elle ne puisse s’en rendre compte, que d’indéfinissables affinités donnent de l’attrait à certains êtres. (G. Sand.) || Analogie, convenance, rapport, point de contact, en parlant des choses : Il y a de l’affinité entre la poésie, la musique et la peinture. (Acad.) Le sens de l’odorat est celui qui a le plus d’affinité avec les facultés voluptueuses. (Beauchêne.) L’affectation dans le goût et dans les manières pourrait bien n’être pas sans affinité avec la fausseté de l’esprit et des sentiments. (S. Dubay.) La parenté primitive du sanscrit, du grec, du gothique et du vieux langage germain, est prouvée par l’affinité des idiomes. (Phil. Chasles.) L’Afrique seule fut réellement conquise par la race arabe, à cause de certaines affinités particulières au climat. (Renan.) L’offre et la demande sont les deux pôles électriques, dont la mise en rapport doit produire le phénomène d’affinité économique appelé échange. (Proudh.)

— Chim. Force attractive qui anime les molécules de différente nature, et qui détermine leur combinaison : Chaque élément a ses affinités particulières. (Chaptal.) Les minéraux qu’on trouve au sein de la terre sont créés par les affinités. (A. Martin.) L’hydrogène a une grande affinité pour tout ce qui se gazéifie ou se vaporise. (Raspail.) || Par compar. et dans un sens moral, Attraction, tendance : Il était doué d’une affinité si exquise pour toute vérité… (E. Sue.) Combien l’esprit de l’homme a peu d’affinité pour le vrai ! (Proudh.) Il avait éprouvé une affinité morale plus puissante que toute affinité chimique. (X. Marmier.)

— Mus. Affinité des tons, Rapport qu’ils ont les uns avec les autres : Le ton d’ut a de l’affinité avec les tons de sol et de fa, ses adjoints, ou de la mineur, son relatif. (Littré.) La note sensible a de l’affinité avec la tonique, et le quatrième degré en a avec le troisième. (Fétis.)

— Ling. Affinité des langues, Rapport qui existe entre diverses langues appartenant à une même famille : L’arabe et le syriaque ont de nombreuses affinités. L’affinité du français, de l’allemand et du russe est évidente pour le savant. (Renan.) De l’identité d’un certain nombre de radicaux, on ne saurait rien conclure pour l’affinité originelle des langues. (Renan.)

— Gramm. Affinité des lettres, Propriété qu’ont certaines lettres de pouvoir être prises les unes pour les autres, soit dans la langue même à laquelle elles appartiennent, soit dans le passage d’un mot de cette langue en un autre idiome. Ainsi b a de l’affinité avec p : abeille vient du lat. apicula.

— Anat. Affinité de soi pour soi, Attraction en vertu de laquelle les éléments similaires de l’organisation tendent à se réunir. L’affinité de soi pour soi a été appelée par Dugès affinité de moi pour moi.

Encycl. Jurispr. L’affinité ou alliance constitue une parenté civile ; elle produit des effets semblables à ceux de la parenté naturelle. Ainsi notre Code civil interdit le mariage entre tous les ascendants et descendants et les alliés ou affins dans la même ligne, entre les frères et sœurs et les alliés au même degré, sauf les dispenses qu’il est loisible au chef de l’État d’accorder pour des causes graves aux alliés collatéraux, c’est-à-dire aux beaux-frères et belles-sœurs. — Voici d’autres effets de l’affinité : les notaires ne peuvent recevoir des actes dans lesquels leurs alliés en ligne directe à tous les degrés et en ligne collatérale, jusque celui d’oncle ou de neveu inclusivement, seraient parties, ou qui contiendraient quelque disposition en leur faveur. Un huissier ne peut instrumenter pour ses alliés en ligne directe à l’infini, et en ligne collatérale jusqu’au degré de cousin issu de germain inclusivement. — Les gendres et les belles-filles doivent des aliments à leurs beau-père et belle-mère qui sont dans le besoin. — En matière criminelle, les dépositions des alliés de l’accusé ne peuvent pas plus être reçues à titre de témoignages que celles de parents au même degré ; elles ne sont accueillies qu’à titre de renseignements. Dans les communes de cinq cents âmes et au-dessus, les beaux-pères, gendres et beaux-frères ne peuvent être en même temps membres du même conseil municipal.

— Dr. ecclés. Le droit ecclésiastique donne au mot affinité un sens plus étendu que le droit civil. Il fait résulter l’affinité non-seulement du mariage, mais encore d’un commerce charnel illicite. Dans la ligne directe, l’affinité ainsi comprise rend le mariage religieux nul à tous les degrés. Dans la ligne collatérale, elle le rend nul jusqu’au quatrième degré si elle résulte du mariage, et jusqu’au deuxième seulement si elle résulte de la fornication.

L’Église reconnaît en outre une affinité spirituelle résultant de l’administration du baptême. Cette affinité ne permet pas qu’il y ait mariage entre le parrain et sa filleule, entre la marraine et son filleul, entre le parrain et la mère de l’enfant, entre la marraine et le père de l’enfant, entre la personne qui a conféré le baptême et l’enfant ou ses parents.

— Chim. Le langage chimique a donné au mot affinité un sens tout à fait différent de son acception vulgaire. Ainsi l’on dit : deux corps ont de l’affinité l’un pour l’autre, lorsque, mis en contact immédiat, ils sont susceptibles de se combiner. Or, cette expression serait complétement fausse si l’on entendait par là que ces corps ont entre eux des rapports de parenté, c’est-à-dire présentent des propriétés analogues ; au contraire, moins ils sont semblables, plus ils ont d’aptitude, de tendance à s’unir. Du reste, nous devons dire que Boërhaave, par le mot affinité, qu’il introduisit dans la science, n’entendait pas exprimer une idée de ressemblance, de parenté, mais comparer à l’amour la force qui détermine la combinaison de deux corps.

Longtemps les divers degrés d’affinité de chaque substance pour toutes les autres furent considérés comme invariables et indépendants des circonstances, et la grande préoccupation des chimistes fut de les déterminer, et de donner pour base à la science cette détermination qui devait permettre de calculer d’avance tous les phénomènes chimiques. L’idée la plus naturelle qui se présentait pour estimer l’affinité de deux corps était de chercher à la vaincre par une force de même espèce. Ainsi, voulait-on savoir lequel des deux corps A et B avait le plus d’affinité pour un troisième X, on formait le composé AX et l’on faisait agir sur lui le corps B ; si ce dernier avait la puissance de déplacer A en formant le composé BX, on en concluait que B avait pour X plus d’affinité que n’en avait A ; dans le cas contraire, on tirait une conséquence opposée. Geoffroy établit sur ce principe les premières tables d’affinités ; elles parurent en 1718. Chaque substance était placée à la tête d’un tableau sur lequel étaient inscrites toutes les autres dans l’ordre de leur affinité pour la première. Des travaux furent faits dans la même direction par Limbourg, Rouelle le jeune et Gelbert. Enfin, Bergmann y mit en quelque sorte la dernière main et attacha son nom à la théorie des affinités. Il distingua l’affinité d’un corps pour un autre, lorsque ces corps sont libres tous les deux, celle qui se manifeste quand un corps simple détruit un corps composé pour s’emparer d’un de ses éléments, enfin celle de deux corps qui sont engagés l’un et l’autre dans deux composés différents. La première reçut le nom d’affinité simple, la seconde celui d’affinité élective, la troisième celui d’affinité complexe. C’est l’affinité élective qui seule permet de mesurer l’affinité simple. Quand deux sels sont en contact, il y a quatre affinités en action : deux qui tendent maintenir en combinaison les deux acides avec leurs bases respectives, ce sont les affinités quiescentes ; deux qui agissent en sens contraire, l’affinité de l’acide du premier sel pour la base du second, et l’affinité de l’acide du second pour la base du premier ; ce sont les affinités divellentes. S’il n’y a pas double décomposition, c’est parce que les premières l’emportent sur les secondes ; s’il y a double décomposition, c’est que les secondes sont les plus fortes.

Berthollet renversa complètement la théorie des affinités. Il montra qu’il est difficile, pour ne pas dire impossible, de séparer l’affinité de ce qui n’est pas elle ; qu’a l’action de l’affinité s’opposent la cohésion, qui tend à maintenir réunis les atomes de chaque corps et l’élasticité, par laquelle ces atomes se repoussent ; que les corps n’agissent pas seulement en vertu de leurs affinités, mais encore par leur quantité, par leur masse, puisqu’en faisant varier celle-ci les résultats de l’affinité ne sont plus les mêmes ; que, dans les phénomènes de double décomposition, l’affinité est soumise aux conditions d’insolubilité et de volatilité des composés qui peuvent se former ; que par conséquent les déplacements de certaines substances par d’autres substances n’indiquent pas leurs forces d’affinités respectives, et que les tables d’affinités ne peuvent donner qu’une fausse idée des actions chimiques.

Disons en terminant que lorsque Davy, en décomposant les alcalis et les terres au moyen de la pile, eut attiré l’attention des savants sur les rapports de l’électricité et de l’affinité, celle-ci fut envisagée par les plus habiles chimistes, et surtout par Berzélius, comme le résultat des attractions et des répulsions électriques. On admit que les corps avaient d’autant plus de tendance à se combiner que leurs molécules se trouvaient dans une opposition électrique plus forte, plus intense, et qu’elles se déplaçaient d’autant plus vivement que la différence de leur énergie était plus grande.

— Anat. La loi de l’affinité ou attraction de soi pour soi, découverte et posée dans toute sa généralité par Etienne Geoffroy-Saint-Hilaire, est un des deux grands principes par lesquels s’expliquent les anomalies de l’organisation animale. (V. Anomalie.) Le grand naturaliste fut frappé de la symétrie constante que présentent les monstres composés, et de l’analogie qui existe entre cette symétrie et celle du corps unitaire d’un individu normal, il comprit et prouva que cette analogie était le résultat et l’expression d’une loi générale s’appliquant à tous les faits de conjugaison, normaux ou anormaux. « Les deux sujets qui forment par leur union un monstre double, dit Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire, sont toujours unis par les faces homologues de leurs corps, c’est-à-dire opposés côté à côté, se regardant mutuellement, ou bien adossés l’un à l’autre ; et non-seulement ils sont unis par les faces homologues, mais si vous pénétrez dans leur organisation, vous les trouverez unis de même par les organes homologues ; chaque partie, chaque viscère chez l’un, correspond à un viscère, à une partie similaire chez l’autre. Chaque vaisseau, chaque nerf, chaque muscle placé sur le plan d’union, s’est conjoint, au milieu de la complication apparente de toute l’organisation, avec le vaisseau, le nerf, le muscle de même nom appartenant à l’autre sujet ; comme les deux moitiés primitivement distinctes et latérales d’un organe unique et central le font normalement entre elles sur le plan médian, au moment voulu par les lois de leur formation et de leur développement. » On peut dire, en un mot, que deux sujets anormalement réunis sont entre eux ce que sont l’une à l’autre la moitié droite et la moitié gauche d’un individu normal. — Ainsi, partout et toujours, qu’il s’agisse d’anomalie ou de développement régulier, on constate ce fait de premier ordre, que l’union tend à s’établir entre parties similaires, et qu’elle ne s’établit qu’entre parties similaires. Le principe, incompréhensible dans son essence, de cette union des éléments de même système, a pu très-bien être comparé aux attractions moléculaires des physiciens, aux affinités électives des chimistes.

Syn. Affinité, alliance, connexion, connexité, liaison, union. La liaison exprime la manière dont les choses sont jointes : Les rapports des effets aux causes dont nous n’apercevons pas la liaison… (J.-J. Rouss.) L’alliance marque un rapport entre des choses différentes, opposées, disparates : Par la plus monstrueuse alliance, vous voulez joindre ensemble, dans un même sujet, la piété et la cupidité. (Bourdal.) L’union est une liaison intime comme celle de deux époux : C’est l’union des cœurs qui fait leur véritable félicité. (J.-J. Rouss.) L’affinité est une liaison naturelle, essentielle : Dans le système de la nature, ces espèces sont plus apparentées qu’aucune autre avec différentes familles dont elles semblent constituer les degrés d’affinité. (Buff.) La connexité ne dénote qu’un simple rapport qui est dans les choses : Il y a une connexité entre la morale et la jurisprudence. (Acad.) La connexion énonce une liaison effective dans les choses : Dieu a ordonné, pour la connexion de toutes les choses, que les plus grandes fussent soutenues par les plus petites. (Boss.)

Antonymes. Antagonisme, antipathie, répulsion.

Affinités électives (les), roman de Goethe, publié en 1809. Une comparaison ingénieuse des affinités chimiques avec les passions du cœur, de l’action décomposante qu’exerce sur deux substances combinées le contact de deux autres substances et des nouvelles combinaisons qui en résultent, avec l’intervention fortuite de deux personnes étrangères, qui viennent, en allumant des amours nouveaux, briser l’union intime et ancienne de deux autres personnes heureuses jusque-là de cette union ; tel est le sens de ce titre Affinités électives. Deux époux, Edouard et Charlotte, qui appellent à partager le bonheur de leur intimité un ami, le capitaine ; une nièce, Ottilie ; deux amours illégitimes, qui naissent et se développent parallèlement, à l’insu d’abord, puis avec la tolérance de chaque conscience, l’amour du capitaine et de Charlotte plus grave, plus soumis à la raison, l’amour d’Edouard et d’Ottilie plus passionné, qui ne connaît pas de mesure, qui ne veut pas de limites, et qui suit sa pente avec une effrayante sincérité ; pour dénoûment la mort d’Ottilie et d’Edouard, c’est-à-dire la destinée tragique au bout de la passion coupable ; tel est le sujet du livre.

On trouve dans les Affinités électives une grande richesse d’analyses psychologiques, des réflexions originales, des pensées ingénieuses, quelquefois profondes, des descriptions de la nature distribuées avec sobriété, et dont le dessin très-correct montre le naturaliste dans l’écrivain ; enfin ce don de comprendre la réalité qui caractérise essentiellement le génie de Goethe. Dans la pensée de l’auteur comme pour tous ceux qui cherchent dans le dénoûment le véritable sens moral d’une œuvre littéraire, les Affinités sont une glorification du mariage, ce qui n’a pas empêché la plupart des critiques d’y trouver une attaque contre cette institution. Il n’est pas sans intérêt de savoir ce que disait Goethe lui-même de cette œuvre, qui a été l’objet d’appréciations très-diverses : «  Il n’y a pas dans les Affinités, disait-il, une seule ligne qui ne soit un moment de ma vie, et c’est un roman qui renferme tant d’idées qu’il est impossible de les apercevoir toutes à la première lecture. C’est la seule composition un peu compliquée à laquelle j’aie conscience d’avoir travaillé pour exposer une certaine idée principale. » — Voici maintenant le jugement de Mme  de Staël : « On ne saurait nier qu’il n’y ait dans le livre de Goethe une profonde connaissance du cœur humain, mais une connaissance décourageante. La vie y est représentée comme une chose assez indifférente, de quelque manière qu’on la passe, triste quand on l’approfondit, assez agréable quand on l’esquive, susceptible de maladies morales qu’il faut guérir, si l’on peut, et dont il faut mourir, si l’on n’en peut guérir. »

AFFINOIR s. m. (a-fi-noir — rad. fin). Techn. Instrument en forme de peigne, au travers