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Ducis, accuse cette tragédie de respirer l’inceste à chaque vers. Voici comment M. Hippolyte Lucas a répondu à cette accusation passionnée :

« Geoffroy, qui n’a jamais regardé le théâtre comme une école de mœurs, aurait pu se montrer moins sévère si sa plume n’avait poursuivi avant tout la résistance de Ducis au gouvernement impérial. Cette tragédie ne respire en rien l’inceste, puisque Saléma n’est point la sœur de Faran, et que le spectateur le moins intelligent a deviné cela dès le commencement. Fussent-ils frère et sœur, depuis quand est-il défendu de mettre des passions coupables sur la scène, lorsque ces passions sont combattues par le devoir, par la religion, par la raison ? …

» L’immoralité n’est jamais dans la passion qui se combat, se déteste, et ne cède qu’avec honte et douleur à ses emportements ; l’immoralité est dans le paradoxe et dans l’effronterie du vice qui s’approuve et se défend ; les docteurs en guerre ouverte avec la société, et qui, après avoir étouffé le remords dans leur conscience, se croient tout permis pour satisfaire leurs désirs ; ces subtils esprits qu’aucun frein ne retient quand il s’agit de conquérir les jouissances de la vie ; les femmes qui, privées du sentiment de la pudeur, s’abandonnent sans remords à des penchants déréglés, tous ces caractères sont d’un pernicieux exemple au théâtre, et produisent l’imitation ; mais la lutte du bien et du mal est toujours favorable, en ce qu’elle force les hommes à faire un retour sur eux-mêmes et à se rendre compte des instincts de leur conscience. »

Talma, qui croyait être d’origine arabe, joua le rôle passionné de Faran avec une énergie, une profondeur, une exaltation qu’il n’avait pas encore déployées jusque-là.

ABUHASSIENS s. m. pl. (a-bou-a-si-ain). Hist. Nom d’une dynastie de princes du Maroc.

ABULIE s. f. (a-bu-li — gr. a priv. ; bouleuein, vouloir). Pathol. Absence de volonté, espèce de folie où ce symptôme est dominant.

ABUNA s. m. (littér. notre père). V. Abouna.

AB UNO DISCE OMNES (a-bu-no-diss-sé-omm-nèss). Mots latins qui signifient Qu’un seul vous apprenne à les connaître tous.

Enée, réfugié à la cour de Didon, commence le long récit des perfidies des Grecs ; il va parler de Sinon, dont les mensonges décidèrent les Troyens à faire entrer dans leurs murs le fameux cheval de bois ; le héros dit à la reine :

Accipe nun Dannaùm insidias et crimine ab uno
Disce omnes
Entendez de ces Grecs les perfides mensonges,
Et qu’un seul vous apprenne à les connaître tous.

Ce passage est cité souvent à propos d’un de ces traits de perfidie ou de méchanceté qui suffit pour faire juger un homme tout entier. Dans un sens plus étendu, il se dit de tout trait distinctif qui sert à caractériser une classe d’individus, etc. Il s’emploie généralement dans un sens défavorable :

« En racontant comment se préparent, comment s’accomplissent et comment finissent toutes les révolutions, je me suis proposé pour but de montrer sur quelle pente rapide on glisse pour arriver bientôt aux premiers tumultes de l’insurrection, et pour tomber ensuite dans tous les abîmes de l’anarchie et de la démagogie. Ne pouvons-nous pas dire de tous ces mouvements désordonnés et convulsifs des peuples après en avoir tant vu : Ab uno disce omnes ? »           L. Véron.

« Par le spectacle des ambitions et des souffrances d’un bonnetier, on s’initiera au secret de mille autres existences : Ab uno disce omnes.         L. Reybaud.

« Dans une commune qui compte au plus six cents âmes, le conseil vote 13,000 fr. pour une maison curiale ; cependant le maître d’école reçoit à peine 400 fr., tant de la commune que de l’État. Voilà un exemple du zèle éclairé de nos administrations municipales : Ab uno disce omnes. »         P.-J. Proudhon.

ABUS s. m. (a-bu-lat. abusus, même sens ; formé de ab, indiquant séparation, et usus, usage). Mauvais usage, mauvais emploi d’une chose : Abus du pouvoir, de la puissance. L’abus qu’il avait fait de sa faveur. (Mass.) Le despotisme est l’abus de la royauté, comme l’anarchie est l’abus de la république. (Volt.) J’aime encore mieux l’abus qu’on fait de la liberté d’imprimer ses pensées, que cet esclavage dans lequel on veut chez vous mettre l’esprit humain. (Volt.) Les sociétés policées dépendent de l’usage et quelquefois de l’abus que l’homme a fait de sa raison. (Buff.) L’éléphant est d’un naturel doux, et jamais il ne fait abus de ses armes ou de sa force. (Buff.) L’abus des bonnes choses ne prouvent pas qu’elles soient mauvaises. (Marmontel.) Il y a dans son plan abus de philosophie, et dans son style abus de rhétorique. (La Harpe.)

— Excès, surabondance, etc. : La couleur, quoique agréable et vraie, manque peut-être un peu d’épaisseur, et il y a dans le feuillage des arbres abus de tons bleuâtres. (Th. Gaut.)

— Absol. Ce qui est contraire aux bons usages, aux lois ; mauvais usage ; coutume pernicieuse : Les abus servent de lois dans presque toute la terre. (Volt.) Babouc conclut qu’il y avait souvent de très-bonnes choses dans les abus. (Volt.) Permettez de violer la règle, lorsque la règle est devenue un abus ; souffrez l’abus, lorsqu’il rentre dans la règle. (Montesq.) Quand les abus sont accueillis par la soumission, bientôt la puissance usurpatrice les érige en lois. (Malesherbes.) Un vieillard préfère un abus ancien à une nouveauté utile. (B. de St-P.) Les abus ne se corrigent que quand ils sont outrés. (Ste-Beuve.) Les abus naissent et se multiplient au milieu du désordre, comme certains insectes au sein de la corruption. (S. Dubay.)

Rien n’est si bon que quelque abus n’en suive.
Nivernais.
On ne répare point des abus par des crimes.
Viennet.
À quoi nous servent nos lumières,
Si nous conservons nos abus ?
Voltaire.
Trinquer est un plaisir fort sage
Qu’aujourd’hui l’on traite d’abus.
Béranger.
C’est du fond des castels, de l’ombre des églises,
Que sortent les abus et les vieilles sottises.
Viennet.

— Erreur, illusion, mécompte : Voilà un étrange abus ! (Acad.) Le monde n’est qu’abus et vanité. (Prov.)

Alléguer l’impossible aux rois, c’est un abus.
La Fontaine.

— Elliptiq. Abus ! Se dit pour C’est un abus, c’est s’abuser, commettre un abus : Vous comptez sur la justice des hommes, abus ! (Acad.) En tout ce que je lis, dites-vous, il ne s’agit que d’un amour honnête : abus ! (Bourd.) Car de croire que votre conduite leur soit inconnue et qu’elle demeure secrète pour eux : abus ! chrétiens. (Bourd.) || Abus que tout cela ! même locution, mais complétée et fortifiée : Abus que tout cela ! cette amitié prétendue qu’on fait parade de substituer à l’amour n’est qu’un masque honnête pour cacher le dégoût, pour déguiser l’inconstance. (Destouches.)

Abus des mots, Sens détourné, sens forcé qu’on donne aux mots : L’abus des mots confond les idées, fausse l’intelligence, vicie le jugement.

L’abus des mots mène à beaucoup d’abus.
C. Delavigne.


|| Abus de mots, Jeu de mots, amusement de l’esprit qui joue en quelque sorte avec les mots pour leur donner en plaisantant une signification autre que celle qu’ils ont réellement dans la phrase. L’abus de mots est proche parent de ce qu’on appelle vulgairement le calembour, et il serait assez difficile d’établir entre eux une véritable distinction. (Pour les anecdotes sur les abus de mots, V. à la fin de l’article.)

— Jurispr. Abus de blanc seing, Se dit quand la personne à laquelle un blanc seing a été confié, inscrit frauduleusement au-dessus de la signature quelque chose de préjudiciable au signataire. || Le mot abus entre encore dans plusieurs locutions appartenant à la langue judiciaire ou administrative, comme abus de confiance, appel comme d’abus, abus d’autorité. V. plus loin la partie encyclop. de cet article.

Encycl. Jurispr. Abus d’autorité, Acte d’un fonctionnaire qui méconnaît, qui outrepasse son pouvoir. Aux termes du Code pénal, les abus d’autorité se divisent en deux classes : abus d’autorité contre les particuliers, abus d’autorité contre la chose publique. Il y a abus de l’autorité contre les personnes : 1o quand un fonctionnaire s’introduit dans le domicile d’un citoyen, hors les cas prévus par la loi et sans les formalités qu’elle a prescrites ; 2o quand il refuse de rendre la justice ; 3o quand, sans motifs légitimes, il use de violence envers les personnes dans l’exercice de ses fonctions ; 4o quand il commet ou facilite la suppression ou l’ouverture de lettres confiées à la poste. Il y a abus d’autorité contre la chose publique, quand un fonctionnaire public requiert ou ordonne, fait requérir ou ordonner l’emploi de la force publique contre l’exécution d’une loi, d’une ordonnance ou mandat de justice, ou de tout autre ordre émané de l’autorité légitime.

Abus de confiance. Aux termes du Code pénal, on se rend coupable d’abus de confiance : 1o lorsqu’on abuse des besoins, des faiblesses ou des passions d’un mineur pour lui faire souscrire des obligations, quittances, décharges à son préjudice ; 2o lorsqu’on abuse d’un blanc seing ; 3o lorsqu’on détourne, au préjudice du propriétaire, des effets, deniers, marchandises reçus à titre de dépôt ; 4o lorsqu’on soustrait quelque titre, pièce ou mémoire, dans une contestation judiciaire. Des peines graduées sont appliquées à chacun de ces délits. Ces mots, abus de confiance, peuvent s’employer aussi par ext. Dans le langage ordinaire : Vous avez révélé le secret que je vous avais confié, c’est un véritable abus de confiance.

Abus (Appel comme d’). Le mot abus a longtemps servi à désigner, d’une façon spéciale, les entreprises des ecclésiastiques contre la juridiction et les droits des laïques. On donnait le nom d’appel comme d’abus au recours à l’autorité séculière contre ces entreprises. L’appel comme d’abus fut, surtout en France, la formule de la résistance de l’autorité laïque aux empiétements de la puissance ecclésiastique. D’abord on imagina d’appeler du saint-siège au saint-siège apostolique, c’est-à-dire, au pape vraiment inspiré de l’esprit et de la tradition des apôtres, puis on appela au futur concile ; puis à ces appels au futur concile on joignit la déclaration de poursuivre au conseil du roi ou dans son parlement la cassation des actes qu’on prétendait abusifs. L’appel comme d’abus commença à être en usage au xive siècle, et c’est derrière ce rempart que s’éleva et grandit, avec le temps, ce qu’on nommait les droits, franchises, libertés et priviléges de l’Église gallicane.

Aujourd’hui, la loi du 18 germinal an X désigne comme abus commis par des ecclésiastiques : 1o l’usurpation ou excès de pouvoir ; 2o la contravention aux lois et règlements de l’État ; 3o l’infraction des règles consacrées par les canons reçus en France, l’attentat aux libertés, franchises et coutumes de l’Église gallicane ; 4o toute entreprise ou tout procédé qui, dans l’exercice du culte, peut compromettre l’honneur des citoyens, troubler arbitrairement leur conscience, dégénérer contre eux en oppression, en injure ou en scandale public. La voie d’appel est ouverte à toute partie intéressée ; à son défaut, c’est le préfet ou le ministre qui poursuit d’office. L’appel comme d’abus se porte devant le Conseil d’État. Dans ses arrêts, le Conseil d’État se borne à déclarer qu’il y a abus, mais sans ajouter aucune sanction pénale. — Ajoutons que l’atteinte portée par un fonctionnaire laïque à l’exercice public d’un culte, et à la liberté que les lois et règlements garantissent à ses ministres, donne également lieu à l’appel comme d’abus.

Cette locution toute judiciaire, s’emploie quelquefois dans le style badin, pour marquer plaisamment l’action de protester, de s’opposer, de réclamer, de contredire : Et moi, morbleu ! je me moque des jugements du parterre, j’en appelle comme d’abus, j’en appelle au bon sens ; j’en appelle à la postérité. (Regnard.)

Il vous épousera, ne vous alarmez plus.
— Ma foi ! j’en interjette appel comme d’abus.
Montfleury.

Épithètes. Répréhensible, pernicieux, coupable, condamnable, fol, inconcevable, honteux, triste, épouvantable, horrible, affreux, criant, révoltant, criminel, sacrilège, infâme.

Anecdotes (abus de mots). À l’époque de la Révolution, Pie VII ayant succédé à Pie VI, une dame d’esprit dit : « La religion va de pie en pie. »

Un marquis, possesseur d’une immense fortune, disait : « On en veut toujours à nous autres pauvres riches. »

Quelle est, demandait-on à un savant musicien, la note la moins agréable ? « C’est la note d’un fournisseur, » répondit-il.

Un facteur de la poste et un cocher de fiacre se disputaient : « Comment ! s’écriait le premier, vous osez insulter un homme de lettres. — Et vous, répondit l’autre, vous osez outrager un homme en place ! »

Sur la fin du règne de Louis XIV, le grand dauphin paraissait surpris de la détresse où se trouvait l’État : « Mon fils, dit le roi, nous maintiendrons notre couronne. — Sire, repartit le dauphin, maintenons-la. » (Maintenon l’a.)

Un historien avait écrit sans succès un commentaire sur la coutume du Maine. Lorsqu’on voulait le railler, on disait de lui : « S’il fait bien, ce n’est pas sa coutume. »

Un chapelier présentait sa requête à un duc et pair pour être payé de ses fournitures : « Est-ce que vous n’avez encore rien reçu, mon ami ? — Je vous demande pardon, monseigneur, j’ai reçu un soufflet de M. votre intendant. »

Une dame s’était avisée de chanter en grande compagnie. Ne pouvant finir son air, elle dit à quelqu’un assis à côté d’elle : « Je vais le prendre en mi. — Non pas, madame, restez-en la. »

Un musicien assez mal vêtu disait en parlant de sa voix, dont quelqu’un le félicitait : « Il est vrai que j’en fais ce que je veux. — Ma foi, monsieur, lui dit une dame, vous devriez bien vous en faire une culotte. »

Un médecin, ayant écrit une ordonnance, la donna au malade, en disant : « Voilà ce que vous avalerez demain matin. » Le malade prit la phrase du médecin au pied de la lettre, avala l’ordonnance et… guérit.

Un maquignon, vendant un cheval, dit à l’acheteur : « Faites-le voir, je vous le garantis sans défaut. » Or, le cheval était aveugle. L’acquéreur, s’en étant aperçu, voulait obliger le marchand à le reprendre. « Mais, répliqua celui-ci, ne vous ai-je pas dit : Faites-le voir… je vous le garantis sans défaut ? »

M. de Puymaurin, député de Toulouse pendant la Restauration, se plaisait à faire des jeux de mots. Un jour, M. Pétou, député de la Côte-d’Or, monta trois fois à la tribune dans la même séance. « Ah çà ! dit M. de Puymaurin, il faut donc toujours que M. Pétou parle ? »

À l’époque du blocus continental, Napoléon, traversant un village, entra chez le curé, qu’il trouva brûlant du café : « Comment, dit l’empereur, vous faites usage d’une marchandise prohibée ! Aussi vous voyez, sire, que je la brûle, » repartit le curé.

Un marchand d’étoffes pour doublure était en quête d’une enseigne ; il s’adresse à un de nos écrivains, faiseur de calembours bien connu. « Eh bien, mettez : Au cap de Bonne-Espérance ; c’est bien ce que l’on double le plus souvent. »

Un général, un peu brusque dans sa façon d’agir, prenait souvent la licence de battre sa femme. Un de ses aides de camp dit à un autre officier : « Je croyais servir sous un général, et pas du tout, je suis aide de camp d’un tambour. — Que veux-tu dire ? répliqua l’ami. — Eh ! oui ; tous les jours il bat la générale. »

Après la mort de Paulmy, M. d’Aguesseau, petit-fils du célèbre chancelier, fut reçu à l’Académie française. Beauzée, auteur d’une excellente grammaire, dit au récipiendaire : « Monsieur, vous devez l’honneur du fauteuil à votre grand-père, comme je le dois moi-même à ma grammaire. »

Un phraseur cherchait, par de belles paroles, à faire prendre le temps en patience a son propriétaire, qu’il ne pouvait payer. « Dites tout ce qu’il vous plaira, lui répondit l’autre ; mais les plus beaux termes pour moi sont ceux où je reçois de l’argent. »

Une actrice aux formes athlétiques voyant Mlle  Jenny Vertpré, qui était petite et toute mignonne, dit assez haut pour être entendue : « Mais, c’est à peine si elle a quatre pieds. — C’est vrai, mademoiselle, répondit la spirituelle comédienne, mais vous en avez un qui en vaut quatre. »

Après la mort de Lekain, Larive fut choisi pour le remplacer dans les grands rôles. L’envie de critiquer, celle peut-être de dire un bon mot, fit passer de bouche en bouche cette espèce de lazzi : « Le Kain en passant le fleuve du Styx n’a pas laissé son esprit à la rive. »

Le duc de Beaufort s’était sauvé seul du donjon de Vincennes, où il se trouvait prisonnier, pendant les troubles de la Fronde, avec les princes de Condé et de Conti. Ce dernier dit à un gentilhomme qui venait le voir : « Je vous prie de me procurer l’Imitation de Jésus-Christ. — Et à moi l’Imitation de Beaufort, » ajouta le prince de Condé.

Deux amis entrent dans un restaurant ; ils continuent une conversation commencée qui semble les intéresser beaucoup ; le garçon s’approche et demande ce qu’il faut leur servir : « Mon Dieu, dit l’un d’eux, donnez-nous un peu de répit. » Le garçon s’éloigne, et, revenant presque aussitôt, répond sans sourciller : « Messieurs, du répit, il n’en reste plus ! »

Diderot, étant allé un jour chez Panckoucke, pour corriger des épreuves de l’Encyclopédie, trouva ce libraire occupé à s’habiller ; comme il allait fort lentement à cause de son grand âge, Diderot prit l’habit, et l’aida à le mettre. Panckoucke s’en défendait. « Laissez faire, lui dit le philosophe, je ne suis pas le premier auteur qui ait habillé un libraire. »

Un fanfaron qui n’était rien moins que brave reçut des coups de bâton, et les souffrit patiemment. À quelques jours de là, se prenant de querelle avec un médecin, il le menaça de lui donner cent coups de bâton. Le médecin lui répondit sans emportement : « Parbleu ! il vous est bien facile de les donner, car il y a à peine quatre jours que vous les avez reçus. »

Un médecin qui demeurait dans le quartier du Palais-Royal disait un jour : « Je suis harassé ; je viens de voir un malade au bout du faubourg Saint-Antoine, un autre près de Vaugirard, et un troisième à la barrière du Roule. — Mais, docteur, lui répondit-on, à voir comme vous parcourez Paris, tous vos malades sont donc à l’extrémité ? »

Mme  la princesse de Guéménée, qui avait de grandes prétentions à l’esprit, prit un professeur d’hébreu, alors qu’elle frisait la quarantaine. Or, le compatriote de Moïse, qui était un savant au grand complet, portait des habits crasseux et tout déchirés. M. de Guéménée, voyant chaque matin entrer chez sa femme un homme qu’il ne connaissait pas, demanda à la princesse ce qu’il venait faire : « Il me montre l’hébreu, lui dit-elle. — Ma foi, madame, reprit M. de Guéménée, il vous montrera bientôt le derrière. »