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où, maintenue à l’état théorique, elle s’abstrait de l’application. (Courr. Franç.)

— Par anal. S’abstraire de, S’écarter, se tenir éloigné de : Pour s’abstraire à ce point du milieu où l’on vit, il faut une idiosyncrasie des plus rares. (Th. Gaut.) || Dans ce sens, se prend généralement en mauvaise part et comme exprimant une idée d’égoïsme.

ABSTRAIT, AITE adj. (ab-strè, è-te — lat. abstractus, même sens. V. Abstraire). Séparé, qui est le résultat de l’abstraction ; qui est considéré comme une propriété isolée de l’ensemble des propriétés : Idées abstraites, notions abstraites. Les notions les plus abstraites sont souvent celles qui portent avec elles une plus grande lumière. (D’Alemb.) La vérité générale et abstraite est le plus précieux de tous les biens ; sans elle l’homme est aveugle ; elle est l’œil de la raison. (J.-J. Rouss.) Si les sciences abstraites absorbent l’imagination d’un enfant, les arts d’imagination exaltent trop son jugement. (B. de St-P.) Condillac a fait un traité spécial contre les systèmes abstraits, c’est-à-dire contre la synthèse. (V. Cousin.) Soutenue par la raison, la philosophie s’élève des vérités communes aux vérités nouvelles, et parvient aux notions purement abstraites. (Deleuze.) À la fin du xviiie siècle, les études abstraites étaient rares en France. (Villem.)

Dieu même est une idée abstraite.
Dorat.

— Par ext. et souvent en mauvaise part, Qui est trop métaphysique, trop subtil, trop éloigné des idées communes ; qui est vague, obscur : Un discours abstrait. Des questions abstraites. L’homme n’est pas fait par la nature pour la contemplation des choses abstraites. (Buff.)

Ce discours, quoique abstrait, me paraît assez bon.
Regnard.


|| Se dit aussi des personnes : Un écrivain abstrait. L’auteur est très-abstrait. Combien de gens se font abstraits pour paraître profonds ! C’est une suite de lemmes et de théorèmes qui répandent quelquefois plus d’obscurité que de lumière. (Volt.) La plupart des termes abstraits sont des ombres qui cachent des vides. (Joubert.)

— Par anal. Se dit de tout ce qui tient à la vie contemplative, de ce qui n’a point d’application pratique : Le christianisme, toujours d’accord avec les cœurs, ne commande point des vertus abstraites et solitaires, mais des vertus tirées de nos besoins et utiles à tous. (Chateaub.)

— Se dit très-souvent d’un être ou d’un fait qui n’existe point, mais dont on admet la supposition par un artifice de l’esprit : On est obligé de faire des suppositions toujours contraires à la nature, de dépouiller le sujet de la plupart de ses qualités, d’en faire un être abstrait qui ne ressemble plus à l’être réel. (Buff.) Il faut généraliser nos vues, et considérer dans notre élève l’homme abstrait, l’homme exposé à tous les accidents de la vie. (J.-J. Rouss.) Il connaît l’étendue abstraite à l’aide des figures de la géométrie ; il connaît la quantité abstraite à l’aide des signes de l’algèbre. (J.-J. Rouss.)

— Par ext. en parlant des personnes, Qui est préoccupé, distrait par l’effet de la méditation et de la rêverie : Phédon est abstrait, rêveur, et il a, avec de l’esprit, l’air d’un stupide. (La Bruy.) Un esprit abstrait nous jette loin du sujet de la conversation. (La Bruy.) On est abstrait, lorsqu’on ne pense à aucun objet présent, ni à rien de ce qu’on dit. (Girard.) Les gens abstraits se soucient peu de la conversation. (Girard.)

— Gramm. Noms abstraits, Noms qui servent à désigner des qualités, des caractères, séparés des objets par notre esprit, considérés isolément et pour ainsi dire réalisés, par opposition aux noms ou substantifs concrets, qui ne s’appliquent qu’aux objets, aux êtres réels que nous observons dans la nature.

— Logiq. Termes abstraits, Termes qui expriment non des êtres, des objets réels, mais seulement des points de vue ou des considérations de l’esprit. Les termes abstraits, une fois trouvés, reçoivent naturellement des applications particulières par imitation de l’usage que nous faisons des mots qui expriment des objets réels. Ainsi nous disons : la bonté, la sagesse de Pierre, comme nous disons la maison, le jardin de Pierre. Le mot abstrait en logique est l’opposé de concret, qui désigne toujours la qualité unie au sujet, comme : homme sage, bon prince, jardin agréable.

— Mathém. Nombre abstrait, Conçu comme séparé des objets auxquels il est lié. Le nombre concret est l’opposé du nombre abstrait. On a remarqué avec raison que le nombre concret a nécessairement précédé dans l’esprit humain le nombre abstrait, et que c’est en passant du concret à l’abstrait que l’idée de nombre a donné naissance à l’arithmétique.

L’abstrait, s. m. Ce qui est abstrait ; l’idée abstraite ; l’abstraction : Je lui apprendrai, dit le docteur, ce que c’est que la substance et l’accident, l’abstrait et le concret. (Volt.) Nous prenons partout l’abstrait pour le simple, et le réel pour le composé. Dans la nature, au contraire, l’abstrait n’existe point ; rien n’est simple et tout est composé. (Buff.)

…… Tous ces docteurs célèbres
Qui, le dilemme en main, prétendent de l’abstrait
Catégoriquement diviser le concret.
L. Racine.

Syn. Abstrait, distrait. Nous sommes abstraits lorsque nos propres idées nous empêchent d’être attentifs à ce qui se dit ou se fait autour de nous : Quelquefois un esprit abstrait, nous jetant loin de la conversation, nous fait faire ou de mauvaises demandes ou de sottes réponses. (La Bruy.) Nous sommes distraits, lorsqu’un nouvel objet détourne notre attention de celui à qui nous l’avons d’abord donnée ou à qui nous devons la donner : Je n’ai pas été fâché de passer pour distrait ; cela m’a fait hasarder bien des négligences qui m’auraient embarrassé. (Montesq.)

Antonyme. Concret.

ABSTRAITEMENT adv. (ab-strè-te-man — V. abstrait). Par abstraction : Les deux sœurs ne connurent donc la fraternité qu’abstraitement. (Balz.) On s’égare toujours lorsque l’on s’efforce de considérer les richesses abstraitement. (Sismondi.)

Abstraitement parlant, loc. absol. En parlant d’une manière abstraite, dans un sens abstrait : D’abord abstraitement parlant, comme dit Royer-Collard, la question peut soutenir la critique de la raison pure. (Balz.)

Syn. Abstraitement, Abstractivement. V. Abstractivement.

ABSTRAYANT (ab-strè-ian) part. prés. du v. Abstraire.

ABSTRICH s. m. (ab-strik). Chim. Matières à demi fondues et agglomérées, qui succèdent aux abzugs dans l’opération de la coupellation.

ABSTRUS, USE adj. (ab-stru, u-ze — du lat. abstrusus, caché). Profond, abstrait, qui exige une grande contention d’esprit : Raisonnement abstrus. Question abstruse. Sens abstrus. Ce moyen est d’une recherche si abstruse et si embarrassante que les simples n’y connaissent rien. (Boss.) Il pénétrait déjà dans la géométrie la plus abstruse. (Fonten.) Il y a des choses beaucoup plus hardies ; à peine s’en est-on aperçu, parce que l’ouvrage est long et abstrus. (Volt.) D’autres argumentateurs viennent à la traverse et s’écrient : À quoi bon ces recherches abstruses ? (Proudhon).

— Se dit aussi des personnes et signifie Obscur, impénétrable, inintelligible : C’est un écrivain abstrus. Ce philosophe m’a paru fort abstrus. (Acad.)

L’abstrus, s. m. Ce qui est obscur, ce qui se conçoit difficilement : Il affecte d’être profond, et il tombe dans l’abstrus. (Acad.)

ABSURDE adj. (ab-sur-de — lat. absurdus, même sens ; formé de la prép. ab et surdus, sourd ; la surdité pouvant, en effet, occasionner un quiproquo, une chose absurde. M. Littré donne la préférence à absonus, qui sonne mal, et il a recours au rad. sanscrit sur, sonner, avec la suffixe dus, pour expliquer la présence des consonnes r et d). Déraisonnable, sot, contraire au sens commun : Un raisonnement absurde. Une idée absurde. Cette tentative fut regardée à Londres comme absurde. (Volt.) L’impossibilité d’admettre tant de décisions absurdes me détachait de celles qui ne l’étaient pas. (J.-J. Rouss.) Il y a peu de phrases qu’on ne puisse rendre absurdes en les isolant. (J.-J. Rouss. ) La logique du cœur est absurde. (Mlle de Lespinasse.) J’écoutais ces contes absurdes avec la crédulité d’un enfant. (G. Sand.) Il y a toujours les trois quarts d’absurde dans tout ce que nous disons. (Ste-Beuve.)

Une merveille absurde est pour moi sans appas ;
L’esprit n’est point ému de ce qu’il ne croit pas.
Boileau.

— Se dit aussi des personnes, et signifie : Qui n’a ni sens ni raison, qui ne dit que des absurdités : Il n’y a pas d’homme plus absurde au monde. (Acad.) L’esprit de parti rend absurde. (Boiste.) Je déclare infâme et absurde tout jeune homme qui pourra prendre au sérieux l’étude de la chicane. (G. Sand.) J’étais frappé de sa pénétration et du profond savoir qu’elle déployait dans les grandes occasions, elle si absurde dans les petites. (Balz.)

Il mentait à son cœur, en voulant expliquer
Ce dogme absurde à croire, absurde à pratiquer.
Voltaire.

— Impersonnellem. : Il est absurde de, il est absurde que. C’est une chose absurde que. N’est-il pas absurde que la France ait dépensé tant d’argent en Amérique, pour y être la dernière des nations de l’Europe ? (Volt.) Il me paraît toujours absurde de faire dépendre l’existence de Dieu d’a plus b divisé par z. (Volt.) Il eût été absurde qu’un simple usufruitier eût disposé de la propriété de la chose. (Montesq.) Il est absurde de dire que le Créateur, sans ces règles, pourrait gouverner le monde. (Montesq.) Il est absurde et immoral de prétendre qu’un homme ait le droit d’abuser de tout un peuple indéfiniment. (Guéroult.)

L’absurde, s. m. Ce qui est absurde ; absurdité : Le puéril ne doit pas être cité, et l’absurde ne peut être cru. (Volt.) l’absurde, audacieusement offert, et sans détour, a parfois une étrange puissance. (Gratry.)

Quand l’absurde est outré, on lui fait trop d’honneur
De vouloir par raison combattre son erreur.
La Fontaine.

Tomber, se jeter dans l’absurde, Faire un mauvais raisonnement, dire des absurdités. || Réduire quelqu’un à l’absurde, le jeter dans l’absurde, Le forcer, dans une discussion, à déraisonner : Cette raison est invincible et réduit à l’absurde celui à qui elle s’adresse. (Dacier.) On doit éviter avec soin de soutenir des thèses tellement improbables qu’on soit bientôt réduit à l’absurde. (Barthél.)

— On dit de même, Réduire un raisonnement, une opinion à l’absurde, c’est-à-dire Prouver que le principe est faux ou la conséquence mal déduite, peu fondée, peu logique. || On dit aussi Réduction à l’absurde, Action de réduire à l’absurde : La théorie de Malthus est une réduction à l’absurde de toute l’économie politique. (Proudhon.)

Prov. littér. L’homme absurde est celui qui ne change jamais, Allusion à un vers célèbre du poëte Barthélémy, qui a voulu ainsi justifier les palinodies, surtout en politique.

On n’a pas encore oublié l’immense retentissement qu’obtinrent les satires de M. Barthélémy ; jamais tant de verve, d’ironie, de poétique indignation, n’avait poursuivi en France les gouvernants et les ministres, n’avait frappé de traits plus acérés tous ceux qui doivent des comptes à l’opinion publique. Tout à coup, brusquement, sans transition, le poëte passa avec armes et bagages dans le camp de ceux qu’il avait toujours combattus. Adorant ce qu’elle avait brûlé, sa muse quitta le ton de la satire pour entonner une palinodie dithyrambique ; et, comme pour rendre ce scandale plus éclatant, M. Barthélémy arbora son nouveau drapeau en 1832, à propos de l’état de siége, que venait de flétrir un arrêt de la Cour de cassation elle-même. L’étonnement fut grand ; l’opinion publique se montra sévère envers le poëte, et il faut bien reconnaître qu’elle en avait le droit, après avoir accueilli ses premières productions avec tant d’enthousiasme. Un revirement si inattendu souleva contre lui une indignation générale. C’est alors qu’en essayant de se justifier et de prouver que le changement est une loi de la nature, la marque d’un esprit supérieur, M. Barthélémy commit le vers regrettable qui est resté attaché à son nom :

Quoi ! dans ce tourbillon qui dévore les âges,
Disloquant nos vertus, nos mœurs et nos usages ;
Dans cet immense crible où roulent ballottés
Nos chartes, nos États, nos lois, nos libertés,
Un être à cerveau faible, à caduque poitrine,
Un atome orgueilleux ferait une doctrine,
Et la fixant du doigt à l’éternel compas,
Verrait changer le monde et ne changerait pas !
Non, le doute et l’erreur sont dans toute pensée ;
Nous sommes tous, sans but et sans route tracée,
Des aveugles assis sur le bord du chemin ;
Le crime d’aujourd’hui sera vertu demain.
J’ai pitié de celui qui, fier de son système,
Me dit : « Depuis trente ans, ma doctrine est la même ;
Je suis ce que je fus, j’aime ce que j’aimais. »
L’homme absurde est celui qui ne change jamais ;
Le coupable est celui qui varie à toute heure,
Et trahit, en changeant, sa voix intérieure.

Ce vers, si bien fait pour venir en aide aux palinodies, est fréquemment cité en littérature :

« Quand tout se transforme autour de nous, quand les luttes changent d’objet ou de caractère, quand les intérêts des partis se déplacent, quand les principes opposés, mais également nécessaires, de l’ordre et de la liberté, sont tour à tour compromis, l’immutabilité est impossible, et c’est le cas de dire :

L’homme absurde est celui qui ne change jamais. »
Vapereau, l’Année littéraire.

« Il existe une disposition secrète à refuser au prêtre cette liberté de conscience qu’on réclame et qu’on proclame pour tout le monde. Permis au laïque de réviser et de changer ses premières croyances ; mais on veut que le prêtre, bon gré mal gré, reste prêtre. Et tandis qu’on admet souvent avec une scandaleuse facilité que

L’homme absurde est celui qui ne change jamais,


on ressent une défiance involontaire contre le prêtre dont le temps, la réflexion et l’expérience ont détruit ou transformé la foi. »

Revue de l’Instruction publique.    

ABSURDEMENT adv. (ab-sur-de-man — rad. absurde). D’une manière absurde : Parler, raisonner absurdement. Les anciens philosophes ont raisonné fort absurdement sur la physique. (Richelet.) Il répandit sur son propre compte les légendes les plus absurdement allemandes. (H. de Villemessant.)

ABSURDITÉ s. f. (ab-sur-di-té — lat. absurditas ; formé de abs, de ; surditas, surdité. Pour l’explication de cette étymol., V. Absurde). Défaut d’une chose contraire à la raison, au sens commun : L’absurdité d’un raisonnement, d’un discours. Il découvrit, à travers l’absurdité de l’ouvrage, la sublimité cachée du sujet. (Volt.) L’absurdité dans le but est le signe de la folie. (Rivarol.) L’absurdité de vos soupçons remonte jusqu’à moi. (Balz.) L’absurdité de ses idées était évidente. (Mignet.) || Se dit aussi en parlant des personnes : Cet homme est d’une absurdité rare. (Acad.) Je ne sais si l’absurdité de ces gens-là doit me faire pouffer de rire ou d’indignation. (Volt.)

— Absol. : Avec ces faibles essais, toutes les écoles restaient dans l’absurdité, ou le monde dans l’ignorance. (Volt.) Ceci est la cause du bon sens contre l’absurdité. (Volt.)

— Se dit aussi de la chose même qui est absurde, d’une proposition absurde, d’une extravagance, d’une sottise, d’une folie : Il n’y a point d’absurdité qui n’ait été soutenue par quelque philosophe. (Cicéron.) Quelle plus grande absurdité qu’une fatalité aveugle qui aurait produit des êtres intelligents ! (Montesq.) Voyez, mon fils, à quelle absurdité mènent l’orgueil et l’intolérance. (J.-J. Rouss.) Il y a telle absurdité qui suppose une assemblée de quatre-vingt mille âmes et qui ne peut être dite qu’à Paris. (Grimm.)

— Dans ce dernier sens, peut s’empl. au plur. : Que sert de réfuter ces absurdités ? (Boss.) Le fanatisme a produit bien des absurdités. (Marmontel.) J’ai dit assez d’absurdités dans ma vie pour m’y connaître. (Dider.) Les Juifs s’abandonnèrent à toutes les absurdités de l’idolatrie. (Pastoret.)

Anecdotes. Quelqu’un disait à une dame qui n’avait point d’enfants : « Votre mère en a-t-elle eu ? »

Un prédicateur disait : « Admirez, mes très-chers frères, la force de Samson ; avec une mâchoire d’âne, il passa mille Philistins au fil de l’épée. »

On vint dire à une jeune fille qu’un poëte déjà célèbre, qui lui faisait la cour, se proposait de l’immortaliser. « M’immortaliser ! s’écria-t-elle en colère. Ah ! qu’il y vienne ; il sera bien reçu ! »

Un jeune homme — sans doute celui dont Rivarol disait : Il abuse de la permission que la nature donne à l’homme d’être absurde — auquel on demandait quel âge avait son frère, dont il était l’ainé : « Dans deux ans, répondit-il, nous serons du même âge. »

Un homme fort gros, étant sur le point de faire un voyage, envoya son domestique lui retenir deux places à la diligence : « Comme cela, lui dit-il, je pourrai respirer plus à mon aise. » Le domestique revint avec les deux billets : il avait pris une place à l’impériale et l’autre dans le coupé.

Trois marchands s’en allaient à la foire de Beaucaire. Comme ils approchaient d’un village où ils devaient passer la nuit, l’un d’eux prit les devants pour retenir trois lits dans l’unique auberge du lieu. Mais il arrivait trop tard ; il ne restait plus qu’une chambre à deux lits, dont l’un était déjà occupé par un nègre. Le marchand retint pour lui le lit vacant, et ses deux compagnons s’en allèrent dormir au grenier, après avoir promis à leur camarade de le réveiller de grand matin. Comme ils lui gardaient rancune de son égoïsme, ils se levèrent au milieu de la nuit, pénétrèrent doucement dans sa chambre et lui appliquèrent sur la figure une magnifique couche de cirage. Deux heures après, des coups redoublés retentissaient à la porte du dormeur, qui se lève brusquement, s’habille à la hâte et va donner un coup d’œil au miroir. Mais, à la vue de son visage noirci : « Les imbéciles ! s’écrie-t-il, ils ont réveillé le nègre ! » Et, sur cette réflexion judicieuse, il se recoucha.

ABSURDO. V. ab absurdo.

ABSUS s. m. (ab-suss). Bot. Espèce de casse d’Égypte dont les graines pulvérisées sont employées en Orient contre l’ophthalmie endémique.

ABSYNTHIENS s. m. pl. (ab-sain-ti-ain). Géog. Anc. Peuple de Thrace, près du Pont-Euxin. || On écrit aussi Absinthiens.

ABSYRTE, frère de Médée, qui le mit en pièces et dispersa ses membres sur la route, afin d’arrêter ceux qui la poursuivaient dans sa fuite avec Jason.

ABUB s. m. (a-bubb). Antiq. Instrument de musique des Hébreux, espèce de flûte dont les lévites jouaient dans les sacrifices.

ABUCCO s. m. (a-bu-ko). Métrol. Poids usité à Rangoun, dans les Indes orientales, et qui est égal à 0,20695 kilog.

ABUDAD s. m. (a-bu-dadd). Myth. pers. Nom de la grande pierre primitive créée par Ormutz, pour y déposer le premier germe de toute la création, germe qui devait ne se développer que successivement.

Abufar, ou la Famille arabe, tragédie de Ducis, en quatre actes et en vers. Cette pièce est toute de l’imagination de l’auteur, qui, en dehors de cette œuvre, n’a guère fait que des imitations ; elle offre une peinture fidèle des mœurs patriarcales des familles arabes ; c’est le tableau d’un amour chaste et qui semble incestueux. L’expression des sentiments, sans avoir rien de sombre, porte une teinte de mélancolie qui enchante et en même temps affecte l’âme.

Abufar est le chef respecté de la famille ; il a un fils et une fille, Faran et Odéide. Faran aime passionnément la belle Saléma, qu’il croit sa sœur, parce qu’Abufar, qui l’a reçue dans le désert des flancs d’une mère mourante, l’a élevée comme sa fille pour ne pas exciter la jalousie de ses autres enfants ; d’autre part, Odéide est aimée de Pharasmin, jeune Persan, et l’un des serviteurs d’Abufar. Ces deux amours sont le pivot de toute la pièce. Pour ne point céder à une passion qu’il croit incestueuse, Faran s’enfuit dans le désert, puis il rentra sous la tente. Le critique Geoffroy, qui s’est toujours montré très-sévère pour