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était ici il y a deux ans, et faisait toujours des cabas que je ne pouvais pas vendre, il fallait pour les placer guetter au passage les vieilles caricatures. Madame de Cournon n’avait jamais que de son ouvrage ; je crois même, ajouta-t-elle, en montrant le chapeau de la vieille fille, que voilà encore un échantillon de la marchandise. Eh bien ! maintenant on ne peut pas lui faire avaler la moindre galette. « Ce n’est pas comme il faut par ci, cela ne me sied pas par là, cela me brunit, cela me vieillit, cela me pâlit, » et puis c’est toujours trop cher ! Il faut la traiter avec égards ; elle ne vient ici que pour prouver qu’elle n’est pas fière et ne rougit point d’avoir travaillé. Je vous demande s’il n’y a pas de quoi vous faire partir comme une fusée ?

— Oh ! c’est trop fort, dirent les ouvrières.

— Figurez-vous qu’elle voulait un chapeau maïs avec de la dentelle jusque dans le dos, des grappes de maïs partout et des brides n° 20, tout cela pour 30 francs. J’étais déjà montée, je lui ai dit sur son ton de fausset :

— Si madame veut aller chercher son maïs en Turquie, on pourra lui faire une diminution de cinquante centimes. Alors, elle a pincé les lèvres et m’a dit :

— Vous êtes une insolente, ma petite.

— Petite, allons donc ! J’ai la tête et le cœur de plus que vous.

— Vous oubliez la distance qui nous sépare.