— Pourquoi pensez-vous cela ?
— Parce que les gens qui sont malheureux se comprennent sans se parler. La douleur a des plaintes muettes qui sont comprises de ceux qui souffrent.
— Vous n’êtes pas gai ce soir, dit Mme de Flabert en s’efforçant de sourire.
— Si vous n’aimez pas assez votre amie pour la comprendre, ou si vous ne me croyez pas assez pour ajouter foi à mes paroles, je puis sans crainte vous dire ce que je pense : cette personne se meurt.
La duchesse tressaillit et s’arrêta.
— Vous voyez bien, madame, que vous n’êtes pas indifférente, comme vous voulez le paraître.
— Mais je n’ai rien dit. En vérité, si vous n’étiez pas un enfant, vous me fâcheriez.
— Mais je suis un enfant, heureusement, et je ne vous fâcherai pas en disant ce que je pense ; car vous pouvez croire que je me trompe, je n’ai que vingt ans. Voyez-vous, madame, vous savez être duchesse, vous savez vivre ici-bas ; mais il y a des gens à qui cela n’est pas possible, et je crois que Mme Dunel ne peut supporter notre monde.
La duchesse voulait interrompre le jeune homme, mais elle ne le pouvait pas ; il l’emportait en valsant et sa voix pénétrante était rapide comme eux.
— Elle mourra ! Tant mieux peut-être, car un jour