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Violette, la tête inclinée sur sa poitrine, regardait fixement une des fleurs du tapis. Étrange immobilité qui laisse l’âme tout entière à ses visions.

— Voici ma vie, dit-elle, comme si elle l’eût vue se dérouler dans son souvenir. D’abord, quand je vous ai quittée, j’étais, vous le savez, décidée à tout faire pour mon père ; et, en reconnaissance de l’affection dont il me donnait des preuves, je l’ai fait aveuglément. Je lui ai abandonné ma vie entière, ma volonté enfin.

Elle secoua la tête, comme pour chasser des pensées trop tristes, et, reprenant sa gaieté ordinaire, elle continua :

— Eh bien ! ma chère, mon père ne m’aimait pas.

— Est-ce possible ?

— Il ne m’aimait pas du tout.

— Mais, pourtant, il t’avait donné son nom.

— Parce que l’empereur, ayant découvert mon existence, menaça le prince Varloff d’une disgrâce, s’il ne réparait pas sa faute et ne lui montrait pas sa fille. Ce fut un caprice de Sa Majesté de toutes les Russies. Quand je fus arrivée, elle dit à mon père : « Remmenez votre fille ou mariez-la bien vite et qu’elle parte ; je ne veux pas la garder à ma cour, elle tournerait la tête à tout mon empire. »

Mon père m’a répété cela. Il me jeta donc au premier venu pour se débarrasser de moi. Il ne fallait aux con-