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facilement à vivre dans la solitude. La tapisserie et le tricot formèrent le cercle dans lequel elle devait tourner jusqu’à la fin de ses jours.

Au moment où cette histoire commence, vingt ans avaient passé sur le mariage des de Cournon. Victoire était devenue successivement désagréable, sèche et acariâtre ; l’économie chez elle s’était d’abord changée en monomanie, puis en avarice.

M. de Cournon avait vu des générations passer au Club sans avoir eu la pensée de s’en retirer. Tout dans l’hôtel avait subi, comme les propriétaires, les transformations inévitables du temps ; tout avait changé d’aspect. Les fenêtres étaient ornées de rideaux tricotés par Victoire, et représentaient des gerbes, et toujours des gerbes. Aux vieux brocarts traditionnels qui couvraient les meubles, avaient succédé la tapisserie de Victoire ; des bouquets de bluets sur des fonds verts : des couronnes de roses sur des fonds jaunes ; enfin une réunion de ces horreurs que produisent les gens sans goût. De grandes taches d’humidité s’étendaient sur les boiseries du rez-de-chaussée, tandis que la pluie s’infiltrait dans les plafonds du second étage. Le gazon poussait entre les pavés de la cour ; le crépi des murs tombait par places ; tout était vieux et fané, les gens et les choses ; tout était triste dans cette maison ; on n’y entendait jamais un éclat de rire. L’ancien petit groom