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Il fume.
Sur ce digne époux

Cocus réglez-vous.

Il faut humer comme il hume.


Tout passe amis, tout passe sur la terre :
Ce sont du ciel les ordres absolus.
Tel qui voit du vin dans mon verre,
Dans un moment n'en verra plus.


Par la vapeur du vin nouveau
Lucas s'étant un jour embrouillé le cerveau ;
En rentrant au logis, sa vue était si trouble,
Que sa femme lui paru double.
Grands Dieux ! s'écria-t-il, par quel forfait affreux
Ai-je pu mériter un sort si déplorable ?
Je n'avais qu'une femme et j'étais malheureux,
Lancez sur moi la foudre redoutable,
Plutôt que de m'en donner deux.


Que la treille aux amants offre un riant secours !
J'y veux mener souvent la belle que j'estime,
Son ombre cache nos amours
Et son jus charmant les anime.


Terribles Aquilons, cessez votre ravage ;
Dans ces lieux gardez-vous d'exciter un orage ;
Laissez arriver jusqu'à moi
Cet aimable convoi.
Sur les paisibles flots de ce charmant breuvage
Le plaisir embarqué vient nous faire un doux sort ;
Mon verre est le vaisseau qui l'amène au rivage,
Mon palais est la rade, et mon cœur est le port.


Trop prodigue d'un bien que l'on doit épargner,
Pourquoi, dans la moindre migraine
Veux-tu, mon cher ami, que l'on t'ouvre les veines ?
Sers-toi du bon moyen que je vais t'enseigner.
Si tu veux qu'au plus tôt la santé te revienne,
Ce n'est pas toi, compère Étienne,
C'est ton tonneau qu'il faut saigner.