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La Villa des Ancolies

— Pourquoi pas ? D’abord parce que je n’ai aucunement l’intention de me marier, que je suis heureux tel que je suis et entends bien l’être le plus longtemps possible et, ensuite, parce que si je tentais de faire la cour à Mlle Perrin, elle me rirait au nez… et puis…

— Après tout, c’est ton affaire, tu as peut-être raison. Dès demain, je les avertirai de ton refus.

— Ton refus… ton refus… je n’ai pas encore dit que je refusais ; mais il me semble que je ne puis pas non plus accepter.

— Tu veux et tu ne veux pas…

— Je suis indécis.

— Tout comme l’âne de Buridan entre sa botte de foin et son seau d’eau.

— L’âne du conte des Mille et Une Nuits était plus heureux que moi, il pouvait toujours manger son foin trempé dans l’eau du seau ; quant à moi, je ne puis à la fois accepter ou refuser.

— Enfin, tu me donneras ta réponse demain soir.

Avant de s’endormir, Paul essaya encore une fois de résoudre l’affreux dilemme. Il repassa dans son esprit les derniers événements et finit par s’emporter contre Jean qu’il accusa de tiédeur parce qu’il n’avait pas, lui semblait-il, insisté avec assez de ténacité pour lui arracher une réponse affirmative. D’ailleurs, il n’y avait que le premier pas de difficile, une fois pénétré dans la villa et admis au nombre des amis de la maison, il saurait bien faire oublier la première impression. Tout à l’heure, Jean badinait en parlant de cour à faire à son ancienne adversaire, et, cependant, qu’y avait-il là de si extraordinaire ? Si seulement il pouvait faire le premier pas… mais il fallait le faire, ce premier pas ! Il dormit mal cette nuit-là ; des rêves peuplèrent son sommeil, rêves plutôt agréables où défilaient Jean et la petite fille au journal, Mlle Perrin dans le rôle de Madame Hainault