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La Villa des Ancolies

cœur… toi, triple sot, tu hésites ! Ah ! si tu n’étais pas mon ami ! Encore une fois, viens-tu, oui ou non ?

— Je ne sais pas encore, je vais y réfléchir.

— Réfléchir ! Réfléchir ! Mais il y a déjà deux jours que tu réfléchis !

— Je n’ai pas encore pris de décision.

— Hâte-toi de la prendre cette fameuse décision. En attendant, viens prendre un bain, cela t’éclaircira les idées.

Le jeudi, quand le pauvre comptable rentra encore à pieds, Mlle Laure était sur la véranda, occupée à lire, mais Fidèle ne se montra pas et Paul n’eut pas l’occasion de faire preuve de courage et d’énergie. Dissimulé derrière un massif de lilas, il se laissa aller à examiner attentivement Laure qui, toute à sa lecture, était loin de soupçonner l’espionnage dont elle était l’objet. « Il a raison, cet animal de Jean, elle est admirablement jolie Mademoiselle Perrin ! Quelle air distingué, quel expression de douceur et de bonté unie à une beauté si simple, dénuée de toute fatuité ! Et dire que sans ce chien de malheur, j’aurais peut-être pu être l’heureux mortel devant partager la vie de cette femme incomparable ! »

— Ah ! ah ! mon cher Paul, vous qui vous vantez chaque jour d’être un marcheur infatigable, je vous prends en flagrant délit de paresse ! Quoique vous n’en vouliez rien laisser voir, mon drôle, vous n’avez plus vos jambes de vingt ans et, dans une marche de deux milles, vous êtes bien aise de trouver un point d’ombre où vous reposer.

C’était Monsieur Pierre Ledoux, gérant de banque, membre du cercle, un joyeux garçon bedonnant, qui venait de le tirer de sa contemplation. Monsieur Ledoux avait, lui aussi, atteint la quarantaine et il ne manquait jamais une occasion de taquiner notre ami sur son entêtement à ne pas vouloir paraître vieillir.