Page:Larivière - La Villa des ancolies, 1923.djvu/9

Cette page a été validée par deux contributeurs.

patientes ; on y retrouvait aussi la bardane cependant que plus bas et jusqu’à une vingtaine de pieds dans la rivière les nénuphars couvraient de leurs larges feuilles la surface des eaux et que les sagittaires élançaient dans l’espace les lances vertes de leur feuillage.

Mais là-haut, sur le petit promontoire rocailleux, à l’endroit où la rive était coupée à pic, leurs racines ténues solidement accrochées aux fissures du roc, les ancolies dressaient de toute la hauteur de leurs hampes délicates leurs fleurs carminées.

Au milieu de cette végétation désordonnée, de cette nature revenue à la sauvagerie primitive, il y avait un coin incomparable, un paradis terrestre en miniature où se trouvait réunie une collection riche et abondante des fleurs les plus rares et les plus éclatantes : c’était le jardin, sis à l’arrière du parterre, à gauche de la villa et qu’une vaste serre cachait aux curieux de la rue.

« Et quel ermite, me demanderez-vous, habitait cette thébaïde ? »

C’était Mademoiselle Laure Perrin, fille majeure !…

Fille majeure… Les Anglais, qui n’ont pas notre délicatesse, ont traduit ces deux mots par « spinster » et, immédiatement nous vient à l’esprit le concept de la vieille fille acariâtre et maussade. Notre langue est plus délicate et plus généreuse.

D’ailleurs, Mlle Perrin était-elle vraiment une vieille fille, quoique ses concitoyens l’eussent gratifiée de ce titre depuis longtemps déjà ? Est-on vieille fille à vingt-neuf ans ? C’était exactement l’âge de la propriétaire de la villa et maintes de ses aînées auraient été insultées de se faire appeler adeptes de Sainte-Catherine. Malheureusement, chez la femme surtout, il est vrai de dire que l’on a l’âge que l’on semble avoir et Mlle Laure, qui avait poussé à la perfection l’art de se vieillir, tant