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La Villa des Ancolies

« Veuillez agréer, Mademoiselle, l’hommage de mon estime et de mon admiration, et croyez-moi.

Votre tout dévoué… » Et je signe.

— Mon cher Jean, je t’ai laissé lire cette lettre insensée jusqu’au bout sans trop me fâcher ; mais maintenant j’espère que tu vas la déchirer et que, dès demain, tu verras à faire avancer mon affaire.

— Dès ce soir, je vais jeter cette lettre à la poste.

— Alors, c’est sérieux ?

— On ne peut plus.

— Tu veux que je me désiste, que je présente des excuses ?

— Je le veux.

— Ne m’as-tu pas dit toi-même que ma cause était excellente ?

— Peut-être.

— Que ce chien était un danger public ?

— J’ai pu le dire.

— M’a-t-il mordu, oui ou non ?

— Mordu… mordu… à peine une éraflure.

— Mais enfin, comment se fait-il donc que ma cause, qui était excellente hier, soit aujourd’hui devenue si mauvaise que j’en sois réduit, d’après toi, à faire des excuses ?

— C’est que, depuis hier, j’ai constaté…

— Et tu as constaté ?…

— Que tu es un imbécile.

— Encore ?

— D’ailleurs, tu peux te consoler, tu n’es pas le seul dans ton cas, et moi-même si je n’avais pas l’excuse d’être un nouvel arrivé en notre ville, je pourrais m’adresser le même reproche.

— Enfin, m’expliqueras-tu ?

— Te souviens-tu, mon vieux, cette gracieuse personne assise sur la véranda de la Villa des Ancolies, samedi après-midi ?

— Enfin, j’y suis ! Cette vieille toquée t’a dépêché sa sirène, on t’a corrompu ! Là où le curé, le patron et compagnie avaient échoué, une jolie femme a réussi… Grand Dieu ! on