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La Villa des Ancolies

Précédée de Mlle Perrin, Yolande visita le jardin, s’émerveillant devant les belles roses qui commençaient à s’épanouir, les œillets déjà fleuris, les pivoines étalant leurs pétales veloutés, les alyssons plus humbles, les balsamines aux centaines de variétés. La jeune fille dévasta un beau rosier de fleurs rouges, pilla un carré d’œillets et fit main basse sur un massif de pivoines. Les belles fleurs s’amoncelaient dans ses bras roses, elle respirait leurs parfums avec ivresse, cachant dans les touffes parfumées son joli visage rieur. Et Mlle Perrin, d’habitude si jalouse de son jardin, semblait heureuse devant cette débauche de fleurs et cherchait elle-même les plus éclatantes pour les offrir à sa filleule.

La moisson terminée, la jeune fille courut vers la maison les déposer dans des vases et, en un instant, la vieille demeure prit un aspect de jeunesse inaccoutumé.

La visite au jardin terminée, on visita le bosquet, la grève, la maison elle-même et, enfin, après une bonne promenade en canot et un joyeux souper, l’on se retira pour la nuit.

— Quand as-tu l’intention de faire la démarche que je t’ai demandée ? s’enquit Mlle Perrin avant de souhaiter bonne nuit à sa filleule.

— Si je n’écoutais que mon cœur, ce serait dès demain ; mais j’ai besoin auparavant de quelques jours de réflexion… et puis, il ne faut pas sembler courir après lui, ce petit Monsieur, cela lui donnerait trop d’orgueil ; il n’est pas mal qu’il sache que j’ai passé quelques jours ici avant de le rencontrer.

— Mais tu es cynique !

— Je suis diplomate… et heureuse. Si vous saviez comme il m’aime, mon Jean !

— Tu fais bien, profite de ta jeunesse, ma chérie, l’amour est comme ces jolies petites fleurs de muguet, si délicieuses, si parfumées ; mais qui ne durent que quelques jours du printemps.