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Mlle Laure ne voulut pas en entendre davantage, elle écourta sa visite et vint ensuite frapper à la porte de M. Mercure, grand chef ranger des Chevaliers de Colomb, auquel son père avait jadis rendu des services signalés.

« Je regrette beaucoup, Mademoiselle », lui répondit Madame Mercure, qui était venue lui répondre, « mon mari est absent pour une quinzaine de jours. »

Jamais elle n’avait fait tant de visites en une seule journée, et, en dépit de cet effort presque surhumain qu’elle avait fait pour surmonter sa timidité, elle n’était pas plus avancée et c’est la mort dans l’âme et prête à capituler qu’elle reprit le chemin de sa maison.

Devait-elle suivre le conseil de Mlle Lozeau, sacrifier son pauvre chien ? Soudain, comme elle passait rue Girouard, le reflet d’une plaque de cuivre frappa ses regards et sur la plaque enseigne, elle lut : « Jean Dupras, avocat ». Cette plaque semblait un défi à son énergie défaillante.

« Eh bien ! non, » se dit-elle, « je ne capitulerai pas ainsi, il ne sera pas dit que j’aurai sacrifié mon pauvre Fidèle sans avoir tenté tout en mon pouvoir pour le sauver. Pourquoi n’irais-je pas moi aussi consulter mon avocat ? »

Le praticien chez lequel se présenta notre héroïne, M. Paul Meunier, était un homme d’une quarantaine d’années, myope et bedonnant, qui avait jadis connu intimement le père de Mlle Laure et avait été un des derniers et des plus assidus visiteurs du vieillard impotent.

— Qu’est-ce qui me vaut l’honneur de votre visite, Mademoiselle ?

— Une chose très grave, Maître, très grave, je vous l’assure. On veut me poursuivre…

— Vous poursuivre, vous ? et pourquoi ?