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La Villa des Ancolies

Hainault sont très bons. Il est lui-même convaincu, après avoir entendu le récit de M. Hainault, que votre chien est réellement un danger public et qu’il est de votre devoir de le faire mourir. Vous l’aimez ce chien, mais quelque service qu’il vous ait rendu, quelqu’attachement que vous éprouviez pour lui, ce sentiment, tout louable qu’il soit en lui-même est un sentiment trop humain pour une chrétienne comme vous. On vous demande un sacrifice au nom de la sécurité publique, faites-le sans récrimination, ne le disputez pas au Seigneur, il perdrait la majeure partie de son mérite.

— Vous avez raison, mon Père. J’ai été lâche et je vous remercie de m’avoir ouvert les yeux.

— Allez ma chère enfant, et ne vous reprochez pas trop cette petite faiblesse.

Mlle Perrin sortit du monastère bien résolue à immoler son pauvre Fidèle. Tout à l’heure, elle irait le chercher à la villa et le remettrait au poste de police. Elle se souvenait de ce tableau de son manuel d’histoire sainte représentant le saint patriarche Abraham conduisant son fils Isaac au lieu du sacrifice et, comme elle débouchait sur le Boulevard Girouard, elle avait bien toute la douloureuse résignation du saint vieillard biblique.

Pourquoi rencontra-t-elle alors notre ami Hainault et surtout, pourquoi ce malheureux s’avisa-t-il de la dévisager avec un sourire ironique ?

Toutes les belles paroles de son Directeur, Abraham et Isaac, toutes ses belles résolutions, tout sombra devant cette muette provocation ; sa nature tenace et combative, cette nature qui n’attendait que l’occasion pour se révéler, frémit en elle et chassa bien loin toute idée de capitulation.

On la provoquait ? eh bien ! on verrait qui aurait le dernier mot ! On lui offrait la bataille, elle l’acceptait. Elle comprenait maintenant