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« Paul Hainault », avec une fierté non moins vive que celle qu’il ressentait à se faire appeler « Monsieur le Président de ci, ou Monsieur le Préfet de ça. »

Pour arriver à ce résultat, il tentait, depuis quinze ans, de savantes combinaisons, les mariages les plus osés, il enlevait les antennes de ses fleurs et essayait d’en fertiliser artificiellement le pistil de pollen d’autres fleurs, variait les lumières, variait la température. le sol, les engrais… Hélas ! la tulipe « Paul Hainault » était encore à naître ; ses expériences n’avaient jusqu’alors donné que des fleurs rachitiques.

Sa bonne maman souriait à sa puérile manie, ses amis l’en raillaient ; s’il eut été marié, son épouse ne l’eût pas supporté bien longtemps ; mais comme il était célibataire, chaque année il recommençait vainement ses expériences.

Mais nous sommes bien loin de Mlle Perrin et de son cerbère et surtout, sommes-nous en droit, après cette énumération des qualités de notre ami : son affabilité, sa politesse, sa bonté, etc., de manifester notre étonnement devant sa fureur et son emportement à l’occasion de la malheureuse agression dont il avait été victime.

Je n’irai pas jusqu’à dire avec je ne sais quel philosophe : « Grattez l’homme, vous ne tarderez pas à découvrir la bête. » Non, ce serait injuste pour notre héros, quoique sa conduite en cette occasion nous paraisse inexcusable. Et, d’ailleurs, je ne chercherai nullement à l’excuser. Peut-être pourrai-je l’expliquer.

Notre homme était, je le répète, égoïstement heureux, ce qui n’est pas un apprentissage à la philosophie, de plus, c’était un garçon modèle. Un garçon modèle ! Pouvez-vous bien deviner tout ce que contiennent de menaces ces trois mots : « Un garçon modèle » ? Mais c’est une chose terrible que ce précieux échantillon de notre pauvre humanité. Un