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Le souper fut triste et monotone. Fidèle, se sentant coupable, s’obstinait à ne rien toucher : elle-même ne se sentait pas en appétit. Trop d’émotions subites étaient venues déranger sa tranquillité.

Tuer son Fidèle ! Mais non, ce n’était pas possible ; ce monsieur Hainault ne devait pas être un tyran. Soudain, une idée lumineuse traversa son esprit : « Demain, » se dit-elle, « j’irai voir le Père François, mon confesseur, il saura bien arranger cette affaire. Pour ce soir, écrivons à ma petite Yolande. »

Elle passa dans son cabinet de travail, s’assit devant son vieux bureau de noyer noir et, déjà toute rassérénée, elle écrivit : —
« Ma petite Yolande.

Comment n’ai-je pas pensé plus tôt à t’inviter ? Peut-être parce que je craignais que ma société ne te soit trop ennuyeuse, car tu sais, ce n’est pas très gai ici.

Toutefois, puisque la solitude de ta vieille cousine ne t’effraie pas, viens bien vite la partager, je serai heureuse de t’avoir tout près de moi. Je t’offre l’asile de ma vieille maison, ma compagnie qui, je t’en avertis, n’est pas toujours très amusante, ma table plutôt frugale ; mais tout ce que j’ai, je te l’offre de bon cœur. Tu goûteras ici une tranquillité parfaite.

Je te promets de l’air pur et vivifiant, du soleil à profusion et surtout une marraine très affectueuse et qui compte déjà les jours qui la séparent de la date de ton arrivée.

Viens donc bien vite, ma petite Yo, je t’attends les bras grands ouverts.

Ta marraine affectueuse.

Laure Perrin. »


III.

MONSIEUR PAUL HAINAULT, CÉLIBATAIRE.


M. Hainault était la parfaite antithèse de Mlle Perrin. Vieux garçon sans ambages, il mettait toute sa coquetterie à faire oublier