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DU LANGAGE

Combien les mots de richesse, de crédit et de fortune paraissent fades à côté de cette annonce magique : Il a le sac ! — Il a le sac, c’est-à-dire ses écus sont là sous sa main ; d’un geste, il les fera luire à vos yeux ces belles espèces sonnantes.

Il en est de même pour beaucoup d’autres qu’on trouvera sans effort en feuilletant les pages suivantes.

Selon nous, il doit être aussi beaucoup pardonné aux licences du langage populaire, en raison de la souffrance et de l’amertume profondément ironique que décèlent bon nombre de ses termes. Ainsi la plèbe parisienne a trouvé un nom saisissant pour désigner certains quartiers où la misère a fait élection de domicile ; elle les appelle Quartiers souffrants.

Je me rappellerai toute ma vie du jour où j’entendis prononcer ce nom pour la première fois : c’était en omnibus. — Le conducteur, un gai compagnon, égayait de son mieux la monotonie du devoir qui l’obligeait à décliner tout haut le nom de certaines rues. — À l’instant où son véhicule quittait la sombre rue des Noyers pour traverser la place Maubert, autour de laquelle rayonnaient alors vingt ruelles noirâtres où grouillait la plus misérable population, — voilà notre homme qui s’écrie : « Place Maubert, rue Saint-Victor, Panthéon ! Il n’y a personne pour le quartier souffrant ! » — Et une pauvre vieille hâve, déguenillée, se dressa péniblement et descendit à cet appel comme une justification vivante de l’épithète.