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temps furent enclins à s’amuser d’une expression nouvelle, comme des enfants. Mieux que personne, les maîtres en l’art difficile de formuler la pensée se laissent prendre au côté imagé, inventif, de nos irrégularités de langage. Et dans quel monde aurait-on le droit de le leur reprocher ? Est-ce dans le bon public, qui se jette sur les combles[1] après s’être enthousiasmé des questions ?
    La raison d’être de l’argot va plus loin que ces modes fugitives. Cherchez le Bulgare[2] n’eut qu’un jour ; gobeur et gobeuse dureront aussi longtemps que la naïveté française.

Lorédan Larchey.

            Paris, 8 novembre 1879.

  1. Le comble est un jeu de mots fort à la mode de l’année 1879. Voici deux exemples des oppositions d’idées qui en font le charme :
        « Le comble de la gourmandise, c’est de dévorer un affront. »
        « Le comble de l’habileté pour un pêcheur à la ligne, c’est d’accrocher son hameçon à une ligne d’omnibus. »
        On est parti de là pour dire : un comble. « M. P… poussant les gens à la modestie. Cela ne semble-t-il pas un comble ? » — (Fr. Sarcey. Le XIXe siècle du 15 octobre 1879.)
  2. Nom d’une des premières questions qui furent à la mode vers 1877, au moment où les affaires d’Orient entraient dans la période militante. La question consistait, si on s’en rappellera retrouver certaines figures dans un dessin qui paraissait contenir tout autre chose au premier coup d’œil. Ainsi une gravure représentait un jardin, avec un arrosoir au premier plan. Au-dessous, cette légende : « Voici l’arrosoir, où est le jardinier ? » (De là, le mot question.)
        En cherchant dans les arbres qui ornaient le jardin, on retrouvait un profil d’homme figuré tant bien que mal par le contournement des branches. Ce n’était pas en proportion. Rien n’annonçait un profil de jardinier plus que celui de tout autre. Mais le public ne critiquait pas ; il devinait et il était heureux.