Page:Larchey - Dictionnaire historique d’argot - 9e édition.djvu/419

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dès 1725, l’ancien commentateur de Rabelais, Le Duchat, dit en effet que lans stringue est l’abréviation d’une formule populaire employée par les soldats qui demandaient à boire : landsmann, zu trinken (paysan, donne à boire !). Notre armée aura nationalisé à Paris ce man zu trinken, qui sera devenu le père du moderne mannstrinque, aujourd’hui mannezing. Le lands est resté en route, selon notre coutume abréviatrice.

Cela ne veut pas dire que je sois toujours heureux dans mes conjectures. En matière étymologique, le temps et la réflexion font tout ; on n’improvise ni les rectifications, ni les découvertes. Et si j’arrive à ne voir dans salé (payement de typographes) qu’un simple jeu de mots sur salaire ; si le vieux mot persepoux (tailleur couturier) me prouve que, de tout temps, les néologistes facétieux ont tenu à caractériser le va-et-vient d’aiguille que je crois avoir deviné dans piqueprune, d’autre part, je reconnais m’être trompé dans mes conjectures sur gaffe : bouche[1], qui est une formule populaire de gave, comme le verbe populaire se gaffer est une forme de se gaver. Et ce gave, je le retrouve dans gavion, gaviot (gosier), qui sont évidemment ses dérivés. Heureusement que Don Carlos est là pour me consoler. Selon le glossaire argotique d’Halbert, on appelle Don Carlos l’homme qui paye les filles. J’allais me perdre en Espagne, quand j’ai pensé à carle (écu), et j’ai compris le jeu de mots. C’était bien simple sans doute, mais le plus simple n’est pas toujours le plus aisé à reconnaître du premier coup.

Notre supplément est de 2784 mots (avant-propos compris). Ce chiffre est considérable, mais il est loin de représenter en réalité un contingent entièrement neuf ; on y trouvera beaucoup d’expressions négligées jusqu’ici à dessein, parce qu’elles

  1. Il est bon de préciser, car aux cinq ou six sens connus de gaffe, le Figaro du 25 septembre 1879 vient d’ajouter celui-ci : « La gaffe est synonyme d’impair ; faire une gaffe ou faire un impair signifie pour tout Paris, dire la chose précise qu’il ne faut pas dire. »