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tons plus loin (p. 92) que orgue voulait dire homme. Rectification d’autant plus importante que le mot similaire musique (réunion de dénonciateurs dans une prison) m’avait jusqu’ici fait prendre orgue au pied de la lettre. C’est surtout en fait d’étymologies, que le vraisemblable n’est pas toujours le vrai.
    Pour les exemples justificatifs, j’ai le regret de ne pas toujours mettre la main sur les plus anciens qui sont les plus précieux. Ainsi ai-je lu trop tard les Mémoires de Boucher de Perthes (Sous dix rois), où crucifié se trouve daté de 1814. « La foule des titrés ne peut être comparée à celle des crucifiés, écrivait-il le 19 juillet ; quel déluge de croix et de rubans ! »

Nous ne sommes pas encore au bout. C’est dans la restitution des mots appartenant à notre ancienne langue que nos découvertes de la dernière heure sont les plus nombreuses. On connaît notre opinion sur la matière. Le temps n’est plus où les chercheurs faisaient sérieusement venir argot du grec argos et gniaf du grec gnaphô[1]. On a reconnu, et, parmi les premiers, nous avons affirmé qu’il n’était pas besoin d’aller chercher des origines si loin. La part faite aux vieux mots de langue d’oc et de langue d’oil va s’élargissant dans chaque édition. On verra qu’il en est de même dans ce supplément, en dehors duquel il y a beaucoup à trouver encore, puisqu’il me faut ajouter ceci à la dernière heure.
    En commençant par les dialectes et patois, qui sont des monuments de la langue nationale, nous retrouvons louffe (vesse) dans le breton louf et dans le provençal loufia ; — hosto et lousteau (prison) dans le flamand ostiau ; scionner (frapper) dans le normand ; harpe (grille de fer) dans le cham-

  1. Je n’invente rien, comme on peut le voir par cet extrait des Français peints par eux-mêmes : « Le mot gniaffe, comme tout ce qui est greffé sur l’argot, nous a semblé plus populaire et plus expressif. L’étymologie d’ailleurs en est brillante : ainsi que la plus grande partie du jargon des voleurs, ce terme est d’origine hellénique et vient du mot grec γναφεύς, cardeur ou peigneur, et dérisoirement racleur ou gniaffe, formé de γνάφω, racler, c’est-à-dire racler ou ratisser de vieux cuir. » (P. Borel.)