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Au commencement de ce siècle, plusieurs hommes distingués ont soutenu la même thèse. Le premier était Mercier, un enthousiaste du genre. On le sent en lisant ce passage :


« Écoutez ces hommes à imagination pittoresque dont le discours est un tableau qui amuse, ou une peinture qui échauffe ; ils éprouvent des sensations étrangères à l’auditeur et créent leurs mots. Les phrases ou les circonlocutions promettent beaucoup et donnent peu ; mais un mot neuf vous réveille plus que des sons et fait vibrer chez vous la fibre inconnue. Quand une idée pourra être exprimée par un mot, ne souffrez jamais qu’elle le soit par une phrase. » (Néologie.)


Dans une autre préface, celle d’une traduction nouvelle d’Hérodote, Paul-Louis Courier rappelle que « Malherbe, homme de cour, disait : « J’apprends tout mon français à la place Maubert ; » et Platon, poëte s’il en fut, Platon, qui n’aimait pas le peuple, l’appelle son maître de langue

Nodier n’a pas craint d’avancer ceci en tête de son Dictionnaire des Onomatopées (1808) :


« Si la manie du néologisme est extrêmement déplorable pour les lettres et tend insensiblement à dénaturer les idiomes dans lesquels elle se glisse, il n’en serait pas moins injuste de repousser sous ce prétexte un grand nombre de ces expressions vives, caractéristiques, indispensables, dont le génie fait de temps en temps présent aux langues. Il n’appartient à personne d’arrêter irrévocablement les limites d’une langue et de marquer le point où il devient impossible de rien ajouter à ses richesses. »


Enfin, M. de Jouy, lui-même, l’avouait en 1815 :


« Quelque ennemi que je sois du néologisme, il faut bien créer ou adopter des mots nouveaux quand on n’en trouve pas dans la langue qui puissent, à moins d’une longue périphrase, rendre l’équivalent de votre idée. »


Arrêtons ici notre série de citations : elle paraît assez complète pour montrer au lecteur, que l’entreprise d’un dictionnaire d’argot n’eût pas déplu à nos meilleurs écrivains.

lorédan larchey.