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couronnant le mémoire de M. Francisque Michel sur l’argot. Docteur ès lettres, professeur de faculté, correspondant de l’Académie, le lauréat eut le bonheur d’inaugurer, officiellement pour ainsi dire, une ère nouvelle dans l’étude argotique. Son œuvre, pleine de citations scrupuleuses, parut, en 1856, sous la forme d’un gros volume intitulé Études de philologie comparée sur l’argot. Mais il n’était pas suffisamment connu sans doute, car un autre rédacteur du Figaro, M. Albert Monnier, écrit encore deux ans après :

Il en est de l’argot comme de certaines îles de la Polynésie : on y aborde sans y pénétrer ; tout le monde en parle, et bien peu de personnes le connaissent. Nous qui ne sommes ni l’un ni l’autre, et qui ne possédons que notre curiosité pour passe-port, nous avons vainement fouillé les géographies sociales pour nous instruire… Par-ci par-là, un voyageur traverse ce Tombouctou parisien, et en ressort la tête farcie de mots bizarres qu’il répète sans les comprendre. »


Et après M. Albert Monnier, un philologue estimé, M. Marty Laveaux, ne craignait point d’encourager les commentateurs futurs en rétablissant leurs droits à la considération des lettrés :


« Quelque mérite qu’on ait, dit-il très-finement, quelque érudition qu’on déploie, il est bien difficile, en étalant les mots hideux du vocabulaire des forçats, de ne jamais soulever le cœur, et, en rapportant nos lazzi populaires si usés, de ne pas exciter parfois un sourire de dédain ; mais quand il ne s’agit plus de notre propre langue, tout change d’aspect : les expressions repoussantes deviennent terribles, les locutions vulgaires, spirituelles, et l’on est porté à croire, bien injustement d’ailleurs, qu’il faut plus de savoir pour recueillir et expliquer ces termes étrangers que pour commenter ceux qu’on entend répéter chaque jour par les charretiers ou les manœuvres. »



VII. — Ce qu’on pensait de l’argot avant nous.


Argot, mots à la mode et nouvelle façon de parler, — tout cela peut être utile et n’est pas à dédaigner.

Nos anciens auteurs tombent d’accord sur ce point, et nous ne saurions négliger leurs témoignages ; ils seront notre égide.