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M


M ! : Abréviation d’une injure employée déjà par Rabelais. « Merde ! mot ignoble et grossier, dont le bas peuple se sert dans un sens négatif, » écrivait Dhautel en 1808. Ce n’est pas seulement dans le bas peuple que M… est usité, comme on va le voir par le second des textes suivants. Celui-ci est extrait du Temps du 16 août 1872 :

INCIDENT D’AUDIENCE AUX ASSISES.

L’accusé Lhermine est un jeune homme de vingt-cinq ans, mais qui parait à peine âgé de dix-huit ; blond, grêle, court. Sa petite figure blême et vicieuse semble taillée en lame de couteau. Il n’a pas commis moins de quarante-sept vols qualifiés. C’est lui-même qui, au cours de l’instruction, les a indiqués au magistrat et en a fait vérifier les détails. Il est en outre accusé de coups volontairement portés à sa mère légitime. M. le président se tourne vers l’accusé et, comme il est prescrit par la loi, il l’interroge.

M. le président : Accusé, levez-vous. Vos nom et prénoms ?

L’accusé : Auguste Lhermine.

M. le président : Votre âge ?

L’accusé : Merde !

Ce mot ordurier, prononcé à haute voix, est entendu par tout le monde. L’auditoire fait entendre des rumeurs.

M. le président : Accusé, dans votre propre intérêt, je dois vous engager à la circonspection. Vous avez peut-être été victime d’habitudes grossières ou d’un mouvement irréfléchi. Magistrats, nous voulons bien oublier cet outrage, qui ne saurait d’ailleurs nous atteindre. Veillez sur vous désormais. Votre défenseur va vous entretenir. Il vous conseillera. Je le répète, c’est dans votre propre intérêt que je parle.

Après un quart d’heure de suspension, les jurés reprennent place, au milieu de l’émotion vive de l’auditoire, et la cour reprend séance.

M. le président : Messieurs les jurés, mon devoir m’oblige à faire subir, avant la prestation de votre serment, un interrogatoire à l’accusé pour constater son identité, je vais le reprendre… Accusé, vos nom et prénoms ?

L’accusé ne répond pas.

M. le président renouvelle sa question.

L’accusé, d’une voix plus décidée : Merde !

Des murmures éclatent dans toute la salle. Sur les réquisitions du ministère public, la cour condamne Lhermine à deux ans de prison. C’est le minimum de la peine en cas d’outrage à la cour.

Notre second texte (pris dans la Liberté du 8 septembre), rend compte d’une affaire jugée le 7 septembre 1872, par le tribunal de Pont-l’Evêque. Voici la déposition d’un témoin :

Le troisième témoin, Leprêtre (Auguste-Émile), vingt-quatre ans, douanier à Deauville, est appelé. Lecture est donnée de sa déposition devant le juge d’instruction : « Le 14 août, vers cinq heures, j’étais de service sur la jetée de Deauville, avec mon camarade Ollivier, lorsque je vis rentrer une embarcation. Des personnes qui s’y trouvaient criaient : « Vive Napoléon ! À bas Thiers ! Vive ta France ! Merde pour Thiers ! » Ces cris ont été