Page:Lara - Contribution de la Guadeloupe à la pensée française, 1936.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
A LA PENSÉE FRANÇAISE



j’aime, mais votre pureté d’ange, les grâces de votre esprit, les trésors de votre cœur.
— Je porte nuit et jour un masque, dit Séraphina, jurez de toujours respecter ce bouclier et je deviens votre femme.
— Je le jure, dit Hector.

La poitrine de la jeune femme se souleva avec violence, un orage de bonheur grondait dans son sein ; elle tendit au jeune enthousiaste une main nerveusement agitée :
— Allez, lui dit-elle, préparez notre hymen.

Or, le 22 février de la même année, au milieu des joies bruyantes du carnaval, eut lieu l’union de Séraphina de Strozzi avec le comte Hector Villatel, officier de cavalerie au service de la France, et une foule immense était venue assaillir l’église de la Carets pour voir une fiancée en robe blanche et en masque noir.
— C’est une danseuse du bal dernier qui légitime ses amours, disaient les plaisants.

Le jeune officier avait invité à la fête les sommités de la ville et avait annoncé que vu la saison on y serait admis en travestissement ; aussi à minuit la salle de danse regorgeait de monde et étincelait d’or et de soie.

Hector qui avait quitté le bal pour aller donner quelques ordres fut à sa rentrée, frappé d’une grande surprise.

Sa femme avait un costume moiré blanc et un masque d’Utrecht, et devant lui se tenaient deux femmes de même taille, portant le même costume.

Il examina chacune d’elles avec une attention soutenue ; mais le domino montait si haut que rien ne lui disait laquelle des deux était Séraphina. Or, quand tous les valseurs se furent retirés, Hector resta seul avec les deux femmes, qui, immobiles comme des statues, gardaient un sinistre silence.
— Laquelle de vous est Séraphina ? dit Hector. Est-ce une cruelle raillerie dont je suis victime ?

Les deux masques ne prononcèrent pas une syllabe.