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CONTRIBUTION DE LA GUADELOUPE

Prêt de se rendre, il doute, il délibère ;
Puis, à son sort humblement résolu :
« C’est trop tarder ; puisque Dieu l’a voulu,
« Partons, dit-il ; allons trouver mon père ! »

Depuis sept jours il marchait solitaire,
Quand d’Israël il touche enfin la terre.
Dès qu’à ses yeux le Ciel natal a lui,
Un guide ailé, en marchant devant lui,
Indique enfin les traces éclatantes,
Et son regard à l’horizon poudreux,
Dans le lointain, voit, comme un camp nombreux,
De sa tribu se déployer les tentes.

Heureux, sans doute, heureux est le banni.
Qui, par les siens injustement puni,
Ne porte point aux rives étrangères
De vains dépits, d’orgueilleuses misères ;
Qui, pardonnant à ses frères séduits,
Même loin d’eux, à des liens détruits,
Au fond du cœur, demeure encore fidèle,
Et lorsqu’enfin son pays le rappelle,
S’offre sans crainte aux yeux de l’amitié,
De tous ses goûts retrouve l’habitude,
Plaint les méchants, et n’a rien oublié,
Que son outrage et leur ingratitude !

Du jeune Hébreu tel n’est point le retour.
Dans son exil, il a trahi l’amour ;
Il fut parjure envers un cœur fidèle ;
Et dans Gessen quand son Dieu le rappelle,
Plus il approche, et plus, au fond de l’âme,
De tous les siens il redoute le blâme,
… Il marche enfin. Des tentes de Ruben
Il a repris la route accoutumée ;
Autour de lui, des foyers de Gessen
Il voit déjà s’étendre la fumée ;