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A LA PENSÉE FRANÇAISE

de concessions par la munificence royale, hommes entreprenants conduits par l’esprit d’aventure, voilà les souches d’où sont sorties les familles créoles. Comme ils avaient à un haut degré l’esprit aristocratique, ces premiers colons se sont tous unis entre eux par les mariages. Cette consanguinité, à la longue, a fini par appauvrir la race qui, il faut bien le reconnaître, n’a plus toutes les qualités d’initiative dont s’enorgueillissaient les ancêtres, les défricheurs.

Parmi ces familles créoles dont l’histoire naturelle est un livre ouvert où chacun peut lire, il s’en trouve quelques-unes dont l’origine est entourée de mystère. « Un tel, vous dira l’habitant généalogiste, est le quatrième de son nom dans l’île. Son aïeul, le premier que nous ayons connu, est arrivé ici à la fin du XVIIIe siècle. C’était un gentilhomme. On ne sait pas de quelle province il venait. »

Le plus souvent, cet homme à l’origine inconnue est le descendant d’un bâtard royal. Jusqu’à Louis XIV, les rois gardaient leurs enfants illégitimes en France, auprès d’eux. Ils en faisaient des grands seigneurs qui, parfois, comme le duc de Vendôme, fils de Henri IV, et le comte de Toulouse, fils de Louis XIV, étaient de bons serviteurs du royaume. À partir de Louis XV, le sort des bâtards bourboniens changea. Sans doute, ils étaient trop pour qu’on les pourvût d’apanages. On se contenta de leur donner une dot et on les expatria.

Quand on consulte le Livre Rouge, registre des dépenses secrètes de la Cour, qui fut publié pendant la Révolution d’après la comptabilité de la maison du roi, on y trouve assez fréquemment cette mention : « À Sa Majesté, telle somme » (ordinairement 150,000 à 200,000 livres), sans indication de l’objet de la dépense. Il est permis de croire que ces libéralités s’appliquaient aux enfants illégitimes du roi. En effet, même pour les paie-