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À LA PENSÉE FRANÇAISE

Les yeux brillent de joie ardente, le cœur chante.
Qu’importe la chaleur, sous le soleil vibrant !
Joyeux sont les propos que disperse le vent !


LE TRAY


Portant allègrement son lourd tray sur la tête,
Sa jupe retroussée et les mollets au vent,
Pieds nus, l’échine droite et les deux bras ballants,
La négresse, qu’aucun vif souci n’inquiète,

Vient à nous, saluant d’un mot qui lui fait fête
Et d’un sourire large où sont trente-deux dents.
A la ronde, elle rend les bonjours accueillants,
Tandis que, sous son faix, debout, elle halète.

Elle s’arrête et pose à terre son fardeau,
Les genoux et les pieds joints, sans qu’elle se presse,
Dans son lent mouvement de grâce et de souplesse,

Et de son tray retire, encor ruisselants d’eau
Et couchés sur un lit d’algue visqueuse et verte,
Des poissons singuliers dont l’aspect déconcerte.


LES CARROUETS


Les cabrouets croulant sous le poids lourd des cannes,
S’enlèvent au galop de leurs fougueux mulets;
Les jurons et les cris, le vol strident des fouets
Montent de la lisière au groupe des cabanes;

Ils arrivent, lancés à fond sur les savanes,
Avec le grondement des flots sur les galets,
Soulevant la poussière en tourbillons épais,
A la file, pareils aux longues caravanes.