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mêmes de sa propre sécurité. N’était-ce pas la rançon de la lutte inconsidérément engagée contre les soldats de la métropole ? On voudrait pouvoir s’arrêter à cette explication, qui s’appuierait sur les affirmations solennelles du Gouvernement métropolitain et des généraux commandant des troupes expéditionnaires.

Dès l’année 1800, d’après les mémoires de Roederer, dans une séance du Conseil d’État nouvellement institué, le Premier Consul avait prononcé les paroles suivantes : "C’est en me faisant catholique que j’ai fini la guerre de Vendée, en me faisant musulman que je me suis établi en Égypte, en me faisant ultramontain que j’ai gagné les prêtres en Italie. Si je gouvernais un peuple de Juifs, je rétablirais le temple de Salomon. Aussi, je parlerai de liberté dans la partie libre de Saint-Domingue ; je confirmerai l’esclavage à l’Ile de France et même dans la partie esclave de Saint-Domingue, en me réservant d’adoucir et de limiter l’esclavage là où je le maintiendrai, de rétablir l’ordre et de maintenir la discipline là où je maintiendrai la liberté." Si bizarres que soient ces théories, elles n’impliquent évidemment pas une résolution dès lors arrêtée de restaurer aux colonies l’état de choses antérieur à la Révolution. Il est vrai que dans la période comprise entre l’année 1800 et la fin de 1801, l’état d’esprit du maître de la France avait pu subir de singulières modifications. Mais au moment même de la préparation de la double expédition, il disait encore et faisait dire par ses ministres, malgré les obsessions de quelques coloniaux : "Tout est libre (à Saint-Domingue et à la Guadeloupe), tout y restera libre ! "

Dans une proclamation aux habitants de Saint-Domingue du 17 brumaire an X (6 novembre 1801), il faisait cette déclaration : "Si on vous dit : Ces forces sont destinées à vous ravir votre liberté", répondez : "La République ne souffrira pas qu’elles nous soit enlevée".