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CONTRIBUTION DE LA GUADELOUPE

ville à la République. Il avait alors sous ses ordres le chef de bataillon Bonaparte, qui devait plus tard remplir le monde de sa gloire. Il pressentit l’avenir du jeune officier, en écrivant au Comité du Saint Public : « Récompensez et avancez ce jeune homme, car, si on était ingrat envers lui, il s’avancerait tout seul. » Sur sa demande, Bonaparte fut nommé général de brigade.

Le vainqueur de Toulon, comme l’appelle Thiers, se disposait à aller sièger à la Convention, où l’avaient nommé ses compatriotes des Antilles, quand le Comité de Salut Public lui confia le commandement en chef de l’armée des Pyrénées Orientales. Il eut alors sous ses ordres Augereau, plus tard duc de Castiglione, maréchal de France, Desaix, Dugua, Clauzel, le futur maréchal. Partout il bat les Espagnols, s’empare de Bellegarde, et mérite le beau nom de Libérateur du Midi. Le 17 novembre 1794, au matin, sur la Montagne-Noire, s’étant retiré pour déjeûner sur le revers intérieur du piton dans un petit enclos derrière un mur de pierres sèches, un obus, après avoir ricoché, l’atteint en pleine poitrine : il tomba mort, en pleine gloire, sans proférer une parole[1].

« Dugommier avait toutes les qualités d’un vieux militaire », a dit Napoléon dans son Mémorial de Sainte-Hélène.

La Convention accorda une pension à sa veuve et à ses enfants[2]. Son nom est inscrit sur l’Arc de Triomphe de l’Étoile et des villes de France, dont Paris, Marseille, Toulon, etc., ont donné son nom à des voies publiques. Depuis 1884, une rue de la Pointe-à-Pitre porte le nom du grand capitaine qui sut tenir la plume aussi bien que l’épée.

Un homme de lettres de la Guadeloupe, Émile Vauchelet, a publié un excellent ouvrage sur Dugommier. En 1904, M. Arthur Chuquet, membre de l’Institut, a édité un volume intitulé : Dugommier, dans lequel il cite M. Vauchelet et fait l’éloge de « l’héroïque Guadeloupéen », du « créole des Antilles », dont, « dans les années 1793 à 1794, nul général ne rendit peut-être plus de services ».

  1. Un noir de la Guadeloupe. Patoche, fidèle serviteur et compagnon de tous les dangers de Dugommier, dit M. Arthur Chuquet, s’évanouit de douleur sur le corps de son maître.
  2. Dugommier avait laissé sa femme à la Guadeloupe avec sa fille et son dernier fils. Après être restée quelque temps sur sa propriété aux Trois-Rivières, elle alla vivre auprès de sa mère, Mme Coudrey-Bottée, à Sainte-Anne. À la nouvelle de la prise de Toulon, les Anglais qui occupaient la Guadeloupe, furieux, jetèrent en prison la femme de Dugommier et la mirent aux fers. Elle ne se rétablit jamais des mauvais traitements qu’elle eut à subir et mourut à la Basse-Terre, le 15 avril 1810.