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CONTRIBUTION DE LA GUADELOUPE

de la noblesse. Il les ravissait par ses élégances, ses saillies et les sonnets qu’en patinant il leur écrivait sur la glace du bassin de Neptune. Sa vie est remplie d’anecdotes semblables. Il en est qui ont fait de lui un amant de la Reine. Il n’adopta pas moins les principes de la Révolution, et fut, sous les ordres de Dumouriez, colonel des Hussards de la Mort. Arrêté comme suspect en 1794, il recouvra la liberté après le 9 thermidor. Il mourut en 1801.

On peut dire que ce fils d’une négresse fut le gentilhomme le plus accompli de son temps : tous les mémoires d’alors en portent ce témoignage. Il y aurait tout un volume à écrire sur le chevalier de Saint-Georges. Il nous apparaît aujourd’hui comme un personnage légendaire, et M. Roger de Beauvoir a pu tirer de sa vie un roman et une pièce de théâtre qui ont eu le plus grand succès. Le chevalier de Saint-Georges a laissé un fils qui fut un de nos diplomates les plus distingués.



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Tous, FILS DE LA VIOLENCE



Au début de la colonisation, la Guadeloupe manquait de femmes ; il en fallait pourtant. Des capitaines de navires se mirent à faire la traite des blanches ; ils conduisirent aux îles des filles engagées dont ils vendaient les services pendant trois ans. Je retrouve les preuves de ce fait jusque dans la littérature française. En 1687, La Fontaine écrivait à Saint-Evremont — tous deux déjà vieux :


Le chemin du cœur est glissant ;
Sage Saint-Evremond, le mieux est de m’en taire,
Et surtout n’être plus chroniqueur de Cythère,
Logeant dans mes vers ces Ghloris,
Quand on les chasse de Paris.