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CONTRIBUTION DE LA GUADELOUPE

Il prit part à la Commune, et, en 1871, il fut élu député de la Guadeloupe à l’Assemblée Nationale. Il siégeait depuis trois ans, lorsque, le 5 février 1874, le gouverneur de Paris, commandant supérieur de la 1" division militaire, en accord avec le ministre de la Guerre, le général Du Barail, demanda à la Chambre l’autorisation de poursuivre le représentant de la Guadeloupe qui avait pris, pendant la Commune, comme délégué, "la direction des engagements pour les bataillons de marche et l’artillerie" et avait "réellement exercé, jusqu’au 15 mai 1871 inclus, les fonctions de chef de service des enrôlements"[1]. Melvil-Bloncourt dut passer à l’étranger avec Arthur Ranc, prendre le chemin de l’exil. Les poursuites furent autorisées par l’Assemblée Nationale, dans la séance du 28 février 1874, par 522 voix contre 64. Il fut condamné à mort par contumace par le 3° Conseil de Guerre[2].

Réfugié en Belgique, puis en Suisse, à Genêve, il publia, en 1878, sous divers pseudonymes — les prénoms de ses parents — cinq volumes sur Voltaire : Histoire complète de la vie de Voltaire, par Raoul d’Argental ; Voltaire à Paris, par Edouard Damilaville ; Voltaire en Prusse, par Albert Thiérot ; Voltaire et l’Église, par l’abbé Moussinot ; Cent et une Anecdotes sur Voltaire, par Gaston de Genouville.

Melvil-Bloncourt, rentré en France en 1879, ayant bénéficié d’une amnistie, mourut à l’àge de cinquante-sept ans, laissant un nombre considérable d’études publiées un peu partout, telles que Scènes émouvantes du Monde Colonial, la Guadeloupe, Richesses naturelles d’Haïti, Etude sur les Républiques Hispano-Américaines, les États-Unis en 1863, Cités et ruines américaines. etc., etc.

Dans son livre sur Sainte-Beuve, Jules Levallois a consacré les lignes suivantes à Melvil-Bloncourt, en parlant des collaborateurs au Dictionnaire Universel de Maurice Lachâtre auquel il a aussi travaillé : "Je citerai un charmant causeur, lettré jusqu’au bout des ongles, Melvil-Bloncourt, l’un des hommes qui

  1. Les poursuites n’avaient pas eu lieu jusqu’à cette date, car Thiers, chef du Pouvoir Exécutif, était l’ami de Melvil-Bloncourt. "Plusieurs députés, écrivaient alors les journaux, se proposent de provoquer des éclaircissements au sujet des motifs qui ont fait ajourner jusqu’à ce moment la demande en autorisation des poursuites contre M. Melvil-Bloncourt. À ce sujet, M. Thiers serait entendu."
  2. Ce rapport du greffier Barcq, présenté au 3e Conseil de Guerre, à l’audience du 5 juin 1874, porte que "d’après des indications dignes de foi, il serait le fils naturel d’une créole nommée Caillette-Leblond et d’un comte de Moyencourt et que son nom aurait été constitué avec la dernière syllabe des noms de son père et de sa mère".