Page:Lara - Contribution de la Guadeloupe à la pensée française, 1936.djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
125
A LA PENSÉE FRANÇAISE



Mais, entreprendre un tel travail sans autre appui que ses seules forces, était une idée hardie, qui, malgré la témérité propre à la jeunesse, faisait hésiter mon esprit et trembler ma main. Le patriotisme, cependant, me commandait de la mettre à exécution. J’en parlai à Victor Hugo qui, dès lors, prédisait la civilisation de l’Afrique par la France : je n’ai pas besoin de dire qu’il m’encouragea avec cette chaleur de parole et de cœur qui lui appartient. Il me dit :

— C’est une œuvre française, il faut la faire !

J’écrivis le livre. C’est donc sous l’impulsion de cette haute et illustre sympathie que j’ai composé l’Histoire et la Géographie de Madagascar.

Dès que le livre parut, je m’empressai de l’envoyer à Victor Hugo ; j’en reçus aussitôt le billet suivant :

Place Royale, le 20 juillet 1846.

« Votre livre sur Madagascar est excellent. J’aime à vous voir travailler ainsi ; Dieu donne la pensée à l’homme, il faut que l’homme donne le travail à la pensée. Venez donc causer avec moi de votre beau livre.

Je vous serre la main.
VICTOR HUGO.



Les créoles ont un heureux privilège : ils ont les avantages d’un patriotisme double. Ils aiment d’abord la grande patrie qui est la métropole, cette France, le cœur de l’Europe et l’âme du Monde : ils aiment ensuite, d’un amour égal, leur berceau, cette petite île volcanique qui trempe ses pieds dans la mer et aux flancs de laquelle ils sont nés. Servir ces deux patries, c’est notre rêve qui nous prend à notre naissance et qui nous suit jusqu’à la tombe.

Paris, janvier 1884.