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CONTRIBUTION DE LA GUADELOUPE



perpétuel avilissement. On les disait libres par dérision, car ils n’avaient pas même le droit de port d’armes (Ordonnance du 29 mai 1762). Les blancs seuls ont ce privilège, parce qu’ils sont tous égaux, tous soldats, tous officiers, tous nobles. Ils ne pouvaient, quelques services qu’ils rendissent à la colonie, parvenir au grade de sous-officiers dans les milices. L’exercice des arts libéraux leur était interdit. La profession la plus noble qu’ils pouvaient embrasser était celle de l’orfèvrerie. Et Dieu sait si les blancs leur eussent laissé longtemps l’exercice de ce métier, sans la profusion de colifichets dont ils se plaisaient à parer leurs concubines ! Si telle était la condition du nègre et du mulâtre libres, qu’on se demande quelle devait être celle des esclaves !









LA RÉVOLUTION ET LA LIBERTÉ DES NOIRS



La Métropole ne montrait guère de sollicitude pour le sort des esclaves des colonies. Les députés des colons à l’Assemblée Nationale dirigeaient toutes les opérations de ce corps à l’égard des colonies. L’homme de couleur, traqué dans les îles, persécuté en France, n’avait alors d’autre protection que celle de la Société des Amis des Noirs dont Brissot de Varville fut le fondateur. Cette société renfermait dans son sein tout ce que la France comptait de plus éminent en vertus et en talents.

Le sort des noirs s’aggrava encore par l’établissement d’un Comité Colonial au sein de l’Assemblée Constituante. C’est Barnave qui présidait ce comité ; cet intrigant, qui n’était pas sans talents, se mit à la dévotion du parti des blancs ; sacrifiant à ce parti les droits de la justice outragée, il fut avec raison accusé d’avoir vendu sa conscience au poids de l’or. Le Comité Colonial, sous l’influence de Barnave, ne fut qu’une