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puissances, la démocratie et l’industrie, on arrive bien vile dans cette école à se faire saluer poêle de génie et d’avenir. On obtient de même, dans un camp contraire, brevet de sainteté et de talent, pour peu qu’on ait distillé en style romantique quelqu’une de ces sucreries dévotes au moyen desquelles on essaye aujourd’hui d’efféminer et d’affadir le mâle catholicisme de Corneille et de Bossuet.

En dépit de ces deux systèmes rivaux d’intolérance, et qui méconnaissent tous deux non-seulement les formes propres, mais aussi le vrai but moral de l’art, un poêle peut être profondément chrétien sans rimer les modernes légendes miraculeuses ; il peut être un ami sincère de son pays et de l’humanité, sans chercher à enivrer ses lecteurs de la fumée des promesses progressistes. Quand l’esprit humain verra poindre à l’horizon la forme un peu précise d’une vérité, d’une vertu, d’une beauté nouvelle, le poëte ne sera pas le dernier à signaler ce bon augure ; mais il n’a pas mission de prêcher le culte de l’inconnu. Il est pour lui un moyen plus sûr d’exciter ce noble enthousiasme qui est la raison d’être de la poésie et des arts, de pousser les hommes vers une perfectibilité certaine, c’est de mettre incessamment sous leurs yeux, c’est de leur faire aimer, comme parfaitement belles, une multitude de vérités et de vertus très-connues et très anciennes ; si anciennes qu’elles sont contemporaines de la conscience du premier père, si connues que le genre humain tout entier a participé à leur lumière,