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ainsi exciter fortement la sensibilité nerveuse, sans toucher à l’âme, sans éveiller une idée, sans faire naître une sérieuse émotion. Ce fracas de couleurs, ce désordre de mouvements sont pris pour des signes de vie morale ; on les demande aujourd’hui à un poëte pour reconnaître en lui du cœur et ce qu’on appelle l’élément humain.

Au milieu d’une pareille disposition des esprits, si une poésie se produit, qui ne soit ni le drame, ni l’élégie amoureuse, ni le conte cavalier, ni l’ode épicurienne, dont le mouvement s’accomplisse dans la pensée, dont les couleurs soient prises à ce qu’il y a de plus intellectuel dans la nature, dont le but soit d’attirer l’âme dans une région supérieure à celle où s’agitent les passions qui crient et qui gesticulent, cette poésie s’expose au reproche de manquer de vie, de n’être pas assez humaine. On oublie une chose, c’est que la passion, dans son essence même et sous une forme supérieure à celle que lui donne un grossier réalisme, la passion est ce qu’il y a de moins humain dans l’homme. Les emportements physiologiques nous sont communs avec tout ce qui est doué de la vie animale. La passion ne s’humanise, ne devient poétique et matière d’art que par sa combinaison avec l’intelligence, que par ses rapports de subordination ou de lutte avec la raison.

Il y a un principe excellemment humain, n’appartenant qu’à l’homme en ce monde, et le constituant au-dessus de tout ce qui végète et de tout ce qui vit ;