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III

Or, sous un soleil libre, au désert, chaque été,
Mon amour grandissait ainsi que sa beauté.
Excité par les feux de l’ardente jeunesse,
Pour la femme souvent j’oubliais la prêtresse,
Et des secrets divins le grave enseignement
Pour le tendre sourire et les propos d’amant.
Mais elle, près de moi sans désirs et sans crainte,
Me rendait d’une sœur l’amitié calme et sainte,
Et dette sympathie étrange dont les fleurs,
Les oiseaux et moi seul partagions les douceurs.
EDe m’aimait ainsi que menthes et verveines,
Lilas avec son souffle échangeant leurs haleines,
Cerfs et lévriers dans l’herbe à ses pieds accroupis,
Et ramiers à sa main becquetant les épis.
Pour chaque être c’était une affection pure,
Allant des fleurs à moi, sans changer de nature :
Car la jeune sibylle au mystique savoir,
Par qui Dieu même en tout se laisse percevoir,
Dont l’œil voit, à travers la roche et les écorces,
Des éléments sacrés se pondérer les forces,
Dont la main, s’emparant des fluides vitaux,
En fait couler l’effluve au sein des végétaux,
Elle, qui sent germer et prédit toute chose,
Ignore le tourment des désirs qu’elle cause,
Et, pleine de candeur en ses rêves puissants,
N’a jamais soupçonné le trouble de mes sens.

Elle avait avec moi l’abandon de cet âge
Où, semblables tous deux de taille et de visage,