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Et je ne songeais plus à scruter toutes choses,
A demander au monde et ses fins et ses causes.
La terre m’entr’ouvrait ses flancs mystérieux ;
Dans leurs replis secrets je voyais de mes yeux,
Et lisais un instant, à cette sainte flamme,
Les lois de la nature et l’énigme de l’âme.

Qui te rendra, mon cœur, ces chastes voluptés,
Ces saints ravissements dans le désert goûtés,
Quand je tenais sa main, étreinte fraternelle,
La plus tendre faveur que l’homme reçut d’elle,
Réservée à sa mère, et dont, heureux amant,
Moi seul, aux plus beaux jours, j’obtins le don charmant ?

O forêt ! ô bruyère ! ô gazon des vallées !
O fleurs qu’à ses côtés j’ai doucement foulées !
J’appris tout d’Hermia ! Si je sais aujourd’hui
Ce que Dieu mit en vous pour nous parler de lui,
Si je connais les biens que le désert recèle,
C’est que j’ai vu s’ouvrir tous ses trésors pour elle,
Et de parfums, d’accords, de clartés revêtus,
Les terrestres esprits exhaler leurs vertus !

Comme en un frais vallon, sous la forêt ravie,
Le soleil qui descend éveille toute vie ;
Bruits d’ailes et de voix, bourdonnements confus,
Chantent avec le vent dans les rameaux touffus ;
Des feuilles, des gazons, des mousses remuées,
Insectes et vapeurs s’envolent par nuées ;
A travers la verdure et dans un clair-obscur,
Comme des gouttes d’or, et d’argent, et d’azur,
Jaillissent violier, liseron et pervenche ;
La rosée en anneaux s’empourpre à chaque branche,
Et des troncs, réchauffes par ce regard du ciel,
Court sur la noire écorce un blond sillon de miel.