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IV

À la Terre

 
— O mère des vivants, ô terre, ô déité,
Nul homme plus que moi n’adore ta beauté !
Il n’est pas de rayon au ciel, et pas de globe,
Qui me soient plus sacrés qu’une fleur de ta robe.

— Je me souviens de toi ; sur mes plus hauts sommets
Un pied plus amoureux ne se posa jamais.
Je t’ai vu, gravissant mes Alpes solitaires,
T’abreuver à longs traits dans leurs coupes austères.

— Ah ! j’étais libre et fort, j’étais seul avec Dieu,
Pas un vestige humain ne souillait ce saint lieu !
Jamais je n’ai senti, depuis cette heure étrange,
D’amour et de terreur cet enivrant mélange.
Quand il fallut revoir la plaine où l’homme est roi,
Mère, je m’indignais et je pleurais sur toi :
Car, ô terre, à plaisir l’homme te défigure ;
Rien ne te restera de ta noble parure ;
Chacun de nos travaux t’enlève une beauté ;
Tu vas baissant ton front comme un taureau dompté.
Dans ton royaume antique, une aveugle industrie
Fera céder bientôt l’ordre à la symétrie.