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J’ai respiré l’ennui dans les fleurs, sur la neige ;
Les chênes n’ont pour moi qu’un ombrage énervant.

Serait-ce qu’à mon cœur la solitude pèse ?
Ne l’ai-je enfin trouvée, après tant de chemin,
Que pour dire aussi, moi, qu’elle est chose mauvaise,
Et pour y regretter le tourbillon humain ?

Peut-être, en maudissant les prisons où nous sommes,
J’aurai trop présumé des vertus du désert ;
Plus que je ne l’ai cru l’homme a besoin des hommes ;
La terre ne dit rien s’ils cessent leur concert.

Mais ne blasphémons pas la nature éternelle,
Son lait pur coulera pour nous au jour marqué ;
Pour vivre de sa vie et tout comprendre en elle,
Je sens bien, ô mon cœur, ce qui vous a manqué.

Oui, la nature est morne autour du solitaire,
La fleur qu’il cueille est pâle et ses jours sont moins bleus ;
Mais la terre sourit et parle sans mystère,
Quand sur sa robe verte on vient dormir à deux.

Elle livre par mille aux amants, aux poètes,
Les trésors qu’elle cache au sombre analyseur,
Et convie aux secrets de ses mystiques fêtes
L’homme ardent et serein qui pense avec le cœur.

Secoue, ô mon esprit, toutes tes peurs sans causes,
Soutiens vers l’infini ton essor filial,
Aspire aux vieux sommets, vois les sources des choses,
Vois poindre sur les monts le soleil idéal.

Poursuis dans les déserts la grande âme du monde,
Fouille dans cette mer où chacun peut plonger ;