II
Frappe, ô vieux bûcheron, et détruis sans murmures :
Les anciennes forêts pour la hache sont mûres.
L’orage est, comme toi, terrible et bienfaisant.
Oui, votre office est rude et ton fer est pesant :
Car ces bois sont pour toi consacrés par des tombes,
Ces rameaux ont porté le nid de tes colombes,
Et ce chêne entouré d’un culte filial
Prêta sa mousse épaisse à ton lit nuptial ;
Dans le vague sommeil où son ombre te plonge,
De tes jeunes saisons le rêve se prolonge.
Il est dur de saper et de jeter au feu
Les vieux piliers du temple où l’on a connu Dieu.
Mais des vallons obscurs et peuplés de fantômes
Aux ailes d’or du jour il faut ouvrir les dômes,
Pour qu’un soleil fécond fasse, en dardant sur eux,
Fuir de l’humide sol les esprits ténébreux,
Et, préparant les champs à des moissons prochaines,
Livre à des bras humains le royaume des chênes.
Dieu le veut, les cités déplacent les forêts,
Et le désert souvent suit la cité de près.
Comme l’arbre, à son jour, quitte ou reprend sa feuille,
Quoi que fasse en ses flancs la ruche et qu’elle veuille,
Ainsi, docile au vent toujours prêt à souffler,
Le monde en ses saisons doit se renouveler.
Sur les coteaux ombreux pour qu’un peuple y fourmille,
Fais place avec la hache à ta jeune famille ;
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