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Sans que rien lui voilât vos beautés ingénues,
Devant l’artiste saint poser chastes et nues.
Sèche, ô pâle ouvrier, autour des blocs pesants ;
Recommence vingt fois tes calculs épuisants ;
Avec l’esprit d’en haut que ta main rivalise ;
Cherche avec quel ciseau le beau se réalise ;
Tâche de remplacer l’amour à force d’art,
Ou, las de méditer, invoque le hasard.
Que l’orgueil soit ton guide ; insulte aux vieux mystères,
Et ris des visions que copiaient tes pères ;
En un sombre atelier mange ton pain amer.
Ah ! tu ne verras plus des vagues de la mer,
Sur la rive sacrée à tes pas interdite,
Sortir, le front riant, l’amoureuse Aphrodite ;
Moins blanche qu’eux l’écume errait sur ses beaux pies.
Gardant ses doux attraits de ses deux bras plies,
Belle, comme jamais ne l’eût offerte un rêve,
Nous la vîmes ainsi de nos yeux sur la grèves
Et nous avons tracé dans un marbre enchanté
Votre empreinte idéale, ô Grâce ! ô Volupté !

Si le dieu, supplié jusqu’en son sanctuaire,
Ne veut pas révéler sa face, ô statuaire,
Si ton cœur ne tressaille aux approches du beau,
Si l’or d’un homme impur a payé, ton ciseau,
Si pour donner son être à la pierre choisie,
Sans attendre l’esprit, tu suis la fantaisie ;
Jamais, devant ton œuvre exposée au saint lieu,
Les peuples ne diront tremblants : Voilà le dieu !

Si l’Olympe est un mot, si, d’un signe de tête,
Nul dieu n’en fait tomber la vie et la tempête,
Assis sur son grand aigle et la foudre en ses mains,
Et ne joue à son gré des dieux et des humains ;