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sérieuses de la vie. Et vous ! pour la première fois, vous aviez senti la sainte joie de l’artiste maître enfin de son temps et de son œuvre ; vous grandissiez par la liberté ; nous fixions sur vous les yeux avec orgueil, nous tous qui avions rêvé près de vous une si noble existence de travail et d’amitié, et voilà que vous êtes arraché violemment à tous nos projets d’avenir. Ame altérée de Dieu, cette mort vient combler votre soif infinie, mais à nous elle ôte ici-bas nos plus chères espérances de poésie et de vertu. Peut-être avons-nous mérité cette épreuve ; mais elle est affreuse, elle ébranlerait notre foi dans l’éternelle bonté ! Ne craignez pas cependant, ô mon ami ; nous avons appris de vous la patience et le respect aux décrets d’en-haut ; nous vous avons vu souffrir. Nous avons vu votre inaltérable douceur aux prises avec ces misères qui aigrissent et rapetissent les cœurs faibles, avec ces tentations qui induisent à la révolte les natures énergiques, avec ces déceptions qui inspirent à tous les caractères la haine et l’ironie ; et jamais ne se sont démenties voire mansuétude envers les hommes et votre confiance en Dieu.

Esprit éminent, fait pour marcher de pair avec les plus grands esprits, nous vous avons vu, obscur et méconnu, porter avec joie votre obscurité, à notre époque d’ambitions révoltées, toujours prêtes à accuser la terre entière de leur impuissance et de leurs avortements. Nous avons vu la médiocrité insolente fouler aux pieds votre modestie pleine de candeur et