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« De ruisseaux ombragés, ni turban de verdure.
« Je jeûne et je suis nu de toute éternité ;
« C’est pourquoi le Seigneur m’a toujours habité ;
« Et tous les cœurs impurs, en qui la mort pénètre,
« Doivent se consumer dans mes feux pour renaître. »

— « Maître, à qui le désert a parlé si souvent,
Dans ses secrets sentiers conduis-nous plus avant ;
Sans doute il t’a montré ce que l’œil ne voit guères ? »

— « Non ; la terre m’offrit ses spectacles vulgaires :
J’ai vu les loups gloutons et les chacals, plongés
D’ans le sang des troupeaux par le tigre égorgés.
Luttant pour assouvir leur faim terrible, ancienne,
Quand l’horrible chasseur avait repu la sienne,

Ils mangeaient ardemment, longuement, sans repos ;
Après la chair encor leurs dents broyaient les os.
Mais je n’ai jamais vu la brute dans son antre
Mourir de plénitude en festoyant son ventre.
En vérité, sachez que les chiens et les loups,
Hommes, dans leurs repas, sont moins hideux que vous.
J’ai vu, lorsqu’au printemps le rut les aiguillonne,
Se cherchant, s’appelant, le lion, la lionne ;
Le couple en rugissant sur l’herbe se roulait ;
De leurs fauves plaisirs le sol même tremblait :