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D’étranges bruits gronder parmi les multitudes :
Voix qui percent les murs des prisons les plus rudes ;
Voix d’ouvriers rétifs expirant sous le fouet,
Murmures de la poudre où ton pied se jouait ;
Voix de vils mendiants et de lépreux infâmes
Attroupant autour d’eux les enfants et les femmes,
De vagabonds guettant au coin des carrefours,
De pâtres hérissés et pleins de longs discours,
Et qui se font, le soir de leurs courses lointaines,
De mystiques appels sur le bord des fontaines ;
Voix de pécheurs grossiers, d’ignorants matelots,
Soupirs entremêlés de rire et de sanglots ;
Voix d’étrangers douteux venus des caravanes,
Paroles serpentant des cachots aux cabanes,
Que les hommes impurs, méprisés, dangereux,
Déjà, comme un salut, se transmettent entre eux ;
Que l’esclave murmure en s’éloignant du maître,
Disant : Le jour est proche où notre roi va naître ! »

Et du tyran vieilli l’œil s’est rougi de sang,
Tant la rage en son âme avec la peur descend.
Jaune, le cou gonflé, trouant d’une morsure
Sa lèvre aux bords vineux qu’a bouffis la luxure,
D’un coup, sur le pavé, tordant son sceptre d’or,
Affreux… « Juda saura qu’Hérode règne encor !