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D’ironie et de fiel ne souille point ta plume,
Et ferme, ici, ton livre, aux pages sans soleil
Ou tes pleurs couleraient comme un mauvais conseil.
Puisque tu n’entends plus sortir de toute chose
Que le rire lugubre ou le soupir morose,
Ne prête pas ta lèvre à ce triste concert,
Et n’écoute plus rien… pas même le désert !
Pas même les forêts par le vent balancées,
Grande âme à qui tu dois tes meilleures pensées ;
Et ne va plus chercher sur les lointains sommets
Des accords, dans ton sein, sans écho désormais !

D’ailleurs, tu le sais bien, dans l’âge qui commence,
Malheur à Pâme fière à tout homme qui pense !
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Toi, poëte, accablé d’un plus rude anathème,
Tu portes le vautour au-dedans de toi-même ;
Et, quel que soit le nom à ton siècle donné,
Ton malheur est pareil… c’est celui d’être né.
Mais subis, résigné, le supplice de vivre ;
Du signe de la croix revêts ton dernier livre,
Et tâche d’être prêt à franchir sans remord
Le seuil mystérieux que nous ouvre la mort.