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III

Mais je n’ai pas, mon Dieu ! sur ces pages dernières
Épuisé mes amours, pas plus que mes prières.
Je vous offre à bénir et voudrais vous nommer,
O mon père ! tous ceux que je suis fier d’aimer ;
Tous ceux que, dans la joie ou las destins contraires,
J’appelle dans mon cœur mes maîtres ou mes frères ;
Ceux, jamais oubliés, que m’a ravis la mort ;
Tous mes objets, enfin, d’amour… ou de remord.

Grâce à vous, ô mon Dieu ! quoique si lâche à vivre,
Je sens un cœur en moi plus puissant que mon livre ;
Mon sang bouillonne encor, si mon vers est tari,
Et l’homme peut survivre au poëte appauvri.
Étouffant toute voix qui se plaint ou qui raille,
Je devrais marcher ferme en l’humaine bataille ;
Jamais devant un glaive ou devant un linceul,
Pour lutter ou souffrir, Dieu ne m’a laissé seul.
J’ai, pour les opposer au torrent de mes peines,
Conquis des amitiés fortes comme des chênes ;