Page:Laprade - Poèmes évangéliques, Lévy, 1860.djvu/304

Cette page n’a pas encore été corrigée


Multiplie à ton gré nos tourments, nos effrois,
Nos intimes langueurs, les coups venus des hommes ;
Montre par nos douleurs, ô Père, que nous sommes
Les membres de ton fils étendus sur la croix.


UN SOLDAT

O mort, délivre-moi ; ta lenteur est cruelle !
Toi seule peux guérir le blessé qui t’appelle.
Cadavre encor vivant j’étouffe sous les morts ;
L’ardeur de la bataille emporte au loin mes frères,
Nul, hormis toi, n’entend mes sanglantes prières…
Viens arracher mon âme aux débris de mon corps.

Que d’heures à souffrir ! et la neige qui tombe
Me vient ensevelir dans le froid de la tombe…
J’ai vu planant sur moi les vautours, les corbeaux ;
La nuit ouvre sa porte aux oiseaux des ténèbres ;
Les loups rôdent ; j’entends leurs hurlements funèbres ;
De ma chair palpitante ils auront les lambeaux.

Horrible fin ! au bout de l’existence austère
Faite aux hommes voués à l’œuvre militaire.
Mourir seul, longuement, sans secours, sans adieu !
Seul… mais non, je vous ai présent dans ma pensée,