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C’est l’animal pensant, tel que vous l’avez fait ;
Mûri par vos leçons, voilà l’homme en effet !
O sophistes, voyez ! c’est bien la bête immonde
Éclose lentement de l’œuf grossier du monde ;
En qui l’esprit, issu des besoins de la chair,
Ne survit pas aux sens et meurt comme un éclair.
Triomphez ! le voilà tel que dans votre rêve :
L’homme naquit ainsi rampant sur une grève ;
Avant de s’adorer, quand sa raison grandit,
Il procéda du ver, c’est vous qui l’avez dit !
Or, pour dernière fin, ce fils de la matière
Restitue au limon son âme tout entière ;
Il rend tout à la terre, il en a tout reçu ;
Voilà le genre humain que vous avez conçu !

Mais la mort ne tient pas vos promesses infâmes ;
Le néant désiré n’engloutit pas vos âmes ;
Vous le saurez trop tard, ô prophètes pervers,
Non ! tout ne finit pas avec l’œuvre des vers.
La tombe, où vous rêvez un éternel refuge,
Nous livrera vivants aux bras de notre juge.
Comme en tremblant, alors, vous, cyniques railleurs,
Vous porterez envie aux hommes des douleurs,
Combien, devant ce Dieu qu’un seul remords désarme,
Vous sentirez le prix d’une pieuse larme !